De z’Espagnols Graveline renduë


Anonyme

Éléments contextuels

1644

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal.


Que fais-tu la, compere Dominique,

A requigner ainchin dans te n’hotel « nothel ». ?

Depesche tay de fermer ta boutique,

Pour venir vair une bonne musique

De gros tuyaux qui sont dans su Catel.

Y semble à vair que se set un tonnerre

Coume ceux-là que no vit à la guerre,

Qui consultest contre des basanez ;

Y l’allongnaist le cos coume une gruë,

Quand j’avon eu aveuq tous ses mousquets

De z’Espagnols Graveline renduë.


Viens vair ossi ste grosse cloque antique

Qui est en haut où est su grand rondel ;

Tu peux bien vair aveuque tes bezicles

L’heure qu’il est, et mettre par article

Le jour, le temps, et chen qui est de nouvel.

No l’entendret si no voullet s’enquerre

Tres vollentiers de la Fayre à Bocquerre,

Sy n’en estest comme non informez.

Vrement chemon, ceste nouvelle est sceuë ;

Pourquay no dit que je seron en paix

De z’Espagnols « Espagnos ». Graveline renduë.


— Je le veux bien, dit su merencollique ;

Verron non point aveuque leu drapel

Ces chent armez d’arquebuse et de pique

Et ces chinquante à cheval georgique

Paroistre ainchin qu’à su biau renouvel ?

— Ouy, dit Michaut, aveucq leu chimeterre

De mesmes voix y bairont à plain verre « vair ».

A la santé de nos braves guerrier,

Criant tout haut tretous parmy la ruë :

Vive le Roy couvert tout de lauriez,

De z’Espagnols « Espagnos ». Graveline renduë.


Che n’est pas tout : une odre magnifique

Se mosntrera dans le bon naturel

De nos Mousieux au dret ceremonique

Quy s’observant pour su faict heroüique

De faire un feu quy n’en fut un aintel.

Le Thedion se chante à notte terre

Contre ceux là que notte gloire atterre.

Pis qu’y sont prins et en bas renversez,

Je les verron tretous à teste nuë,

Quand y serest cheu mille ramassez,

De z’Espagnols « Espagnos ». Graveline renduë.


Bref pour chanter une glore authentique

De notte Mars contre le parapel

De ces diots dont le visage ettique

Semble à les vair à leu ventre hydropique

Qui sont tombez de la tour de Babel.

Mais notte Altesse animé les enserre,

Et de canons tellement les atterre

(Maugré leu forts) de sy pres que pressez

Furent contraints quand y firent reveuë

Que tout nos gens estest dans les fossez,

De z’Espagnols Graveline renduë.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 20-22.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique