Stanches


Anonyme

Éléments contextuels

1644

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Stanches « Sthanche ».


Cappiaux ichi venus pour passer la serie

A entendre prosner un trouppel des fins mots,

Sabres et vous Messieux de la Purinerie,

N’attendez rien de may st’annaye o Palinos.


Pour may j’etrique o terc vers et Muse Normande

Et veux fere caca sus elle et ses habis ;

Si queuqun du mouchel la raison m’en demande,

Qu’il ouvre bien ses yeux ; en deux mos je ly dis.


Me pourmenant un jour, man nez et ma moustache

A couvert « Accouvert ». à l'abri de man fameux cappel,

Ma crique sus man dos, j’avisis fache à fache

Robin, Colas, Ytache ensemble en un trouppel.


Je m’appreche o prais d’eux pour être de la fete,

Lorsque le grand Colas en fesant le rebours

Me dit : « Ch’est bien à tay à fere ichi la béte,

Et ta mere te poüille encore tous les jours. »


Niamains tout chela, avec eux je caquette,

M’amalaisant fort poy de su maistre gueuleux

Qui s’aprechant de may pissit dans ma pouquette,

Puis s’en vint me flater en fesant le railleux.


Ytache auec Robin bouchaist leur muzeliere

Et m’amusaist tourjours vayant fere su cas ;

Sentant de la caleur pres de ma gibeciere,

En y fiquant les gris j’i trouvis du pissas.


Je me furlufe à bon et jure d’importanche,

J’acroque grand Colas à cul et à queveux,

Je ly donnis chan coups o muzel, à la hanche

Et d’un seul de mes poins ly pochis les deux yeux.


Parmi tou su cabeüil un trouppel de quenaille

Vindrent pour m’appaiser et delivrer Colas.

Un d’eux vint me coiffer d’un pot plain de merdaille

Dont je fus chandoray depi haut jusque bas.


Je happe de la bos, je fais bondir les pierres,

Et comme quiens de cache y drillent devant mai.

Personne n’eut ozai passer par la Croix pierre,

Si n’eut voulu courir hazart d’étre frotai.


On amene un Sergean pour vanger chett’injure,

Qui cuidait m’engauler en me fesant biau biau ;

Mais j’etais si couvert et de fians et d'ordure

Qui ne sceut où placher les gris dessu ma piau.


Un sabre du cartier s’en vint d’equilbourdie

Me pousser de ses mains par le mitan du dos ;

Je cus et me rompis dix dens dans la tremie,

Pourquai je ne pis pu rien manger que de mos.


Un quaqun o renel étrique sa besoigne

Pour me venir luquer et dire san gobet.

L’un dit que je sis fos, l’autre m'appelle yvrongne ;

Et n’etais sas ni fos, mais bien un ptiot guedet.


J’avais tant bu du pray qu’on vand o Boguillame

Et qu’on donne par siaux, par canes et par pos,

Que j’en pissais par tout, et sans ma povre fame

Je me fusse chan fais ebredillay le cos.


Y me souvien pourtan de ses vilains outrages

Et de chan qu’o me dit, et de chan que je fis ;

No s’en repantira, dussay-je mettre en gage

Man cappel de castor et mes meilleurs habits.


Enfin pour m’achever, un je ne sçai queu here

Vint piauler haut et cler que j’etais un de ceux

Qui presche o Palinos tourjou queuque mystere

Et raille tous les ans su le mestier sabreux.


A su mot delaquay un quaqun de furie

M’acroque et me dourdille à double carillon ;

Je receus mille coups, et jamais de ma vie

Mes piais ne m'ont sauvay d’un aintel gouspillon.


Me houssant y gueulaist : « Promets à l'assamblaye

De ne pu engagner st’onorable metier. »

Et mai, je leu juris dans ste rude meslaye

D’étriquer o renel chavate et chavetier.


Vla comme ses mousieux m’ont imposai silanche ;

Fodra m’embaillonner pour sauver man serman.

Mais j’en ay fieffai un qui vou veut en revanche

Fere embaumer vos brais d’un excellan saffran.


Et pi je foüannerai pour aver des nouvelles

Que je couray corner à su nouviau prescheux

Qui vous epoustera mes bourriaux de sumelles,

En dussent-ils crever tous ses nobles monsieux.


De plain saut no m’appran q’un de chete assemblaie,

Accordai de nouvel pour faire le bellot

Et donner dans les yeux à sa belle epouzaie,

A lavai san muzel du boüillon de san pot ;


Que venant de trinquer là bas, prais de la Saine,

Et qudant etre pris comme queuque raudeux,

Y se mit jusqu’o cos dans le Pontaritaine,

Tant il avet de pur su gentil amoureux ;


Que donnant une aubade aveu la bonne vielle,

Un pot plain de pissas li fandit le muzel

Que se voulant frizer aveuc une allumelle,

Y brulit les queveux qui couvraist san chervel ;


Que su sire Betran porte des cadenettes

Et morgue ses vesins, ly qui n’a vaillant rien ;

Qu’il appran à danser les belles olivettes

Et crie : « Garchon, ch’est pour l’année qui vien. »

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 32-36.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique