Les Palinos deslogez sans risaye


David Ferrand

Éléments contextuels

1645

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant rial


D'où vient qu’ainchin s'assemble tant de monde ?

Qu’o vait là bas remuer de Purins ?

Qu’on fait de brit ichy tout à la ronde ?

Paix là, paix là ! comment ! un chequ’un gronde ;

Ils ont mangay de trippes et boudins.

Pensez vou ouir (messieus) queuque nouvelle ?

En vain, en vain un chequ’un s’amouchelle ;

Allez vouz en tretous à vo maisons.

Müette ma Muse a la goulle fermaye.

Vo pouvez bien mettre dans vos canchons

Les Palinos deslogez sans risaye.


Ma Muse n’est maintenant si féconde ;

Les vers qu’a fait sont tristes et chagrins ;

A ne peut pu de sa teite faconde

Fournir dequay « dessuay ». faire rire le monde.

Qui l’a causay ? S’ont estay les Naudins.

Y ne sort pu de ma triste chervelle

Qu’un souvenir qui ma douleur nouvelle

D’aver veu hier me faire tant d’affrons

Devant l’aspec d’une tieulle assemblaye,

Qui fait pleurant luire dans mes lichons « meglichons ».

Les Palinos deslogez sans risaye.


Qu’aveucque may votte ceuil en pleurs « pelurs ». se fonde,

Et vous aussi, Messieus les palladins,

Si que vos pleurs les Pallinos inonde « nonde ». ;

Faite amasser « Fais amansser ». une mer si profonde

Qu’y « Que y ». saint noyez ses savetiez malins.

Chers auditeurs, faittes bien sentinelle

Pour arester su mouqueus de candelle,

Ou l’empescher par imprecations

De me frotter d’une main arragaye,

Car y feret dans me z’afflictions

Les Palinos deslogez sans risaye.


Non, non, il fot d’une main furibonde

Amoucheler un tas de dieblotins,

Et que l’enfer de toutes pars debonde,

Et vous (mes bons) que votte bras seconde

Ma volontey pour punir « bunir ». les mutins.

Ne bougez dlà, le via dessu sa selle

Bien empeschay de coutre une sumelle.

Tout douchement dans ces vers poursieuvons ;

Ne criays don pas à gorge despliaye,

Car freint oncor vos exclamations

Les Palinos deslogez sans risaye.


Messieus, mon vers n’estoit pas tant immonde

Pour m’affronter quand pour braire je vins,

Donnant bon jour o vin qui tant abonde,

Et bannissant su jus produit de l’onde

Qui trop grossier nuit à nos intestins.

Aveucque may no vyait la candelle

Voler o Pis sans plume ny sans aille.

Ch’est [trop] de deuil « Chest de dueil ». de vair que furibons

Vo ne vouliays entendre « antednre ». ma palaye,

Ains qu’on laissit, pour certainnes raisons,

Les Palinos deslogez sans risaye.


Envay

Prinche, excusez si ma Muse est aintelle ;

Dans sen passer la chose est trop nouvelle

Pour oublier les acclamations

Que faiset hier tout ste grande assemblaye,

Qui vit faschaye, en monstrant ses tallons,

Les Palinos deslogez sans risaye.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 39-41.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique