Ste missive saiz donnaye


David Ferrand

Éléments contextuels

1645

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Ste missive saiz donnaye

A man fieux,

Man fieux Itasse Magni Colunibus

Estudiant en Rethoricle au grand Coliayge de l’Archevesché, demeurant rasibu le brelan d’un Carleux, o bout de la rue des Chavetiais à Rouen.

De port denier et demy.

Stanches


Hélas ! helas ! bon Dieu, que j’avon de martire !

Je ne verron jamais la fin de notte mal.

Vayant tant de malur, jour et nuit je souspire

Et me labitte ainchin coume un povre animal.


Men fieux, que tu es heureux d’estre dedans la ville,

Eslongnay des douleurs et de notte tourment ;

Il no fodra bien tost fere du pays gille,

Si dedans peu de jours n’y a du changement.


Oncor si tu mandais queuque fais à tan pere

Chan que dedans Roüen y se fait et se dit,

Chanla radouchiret « radouchirs ». un ptiot notte misere

Et pourret regaudir san povre cœur contrit.


Je n’entendon de tay ocun vent ny fumaye ;

Je te crairez pour mort si se n’estet Betrent

Qui no dit que, devant la fin de ceste « este ». annaye,

Tu pourez en scianche « siianche ». esgaller tan Regent.


Su discours no plu tant qu’y ly donnit à bayre

Et perchit à l’instant notte pu gros tonnel ;

Ils burent tant leu deux que plats à my notte ayre « nottayre ».

Y se terquaint par tout les barbe et le musel.


J’alis tuer notte coq et le mis à la brocque

Et le reforchis tant à manger de su ros

Que, sans no z’en lesser, dans ses dans il l’embrocque

Et no lessit en table ainchin comme des dios.


Nianmains tout chela, je le remerciimes « remercimes ».

Pour no z’aver contay comme va ten latin ;

Et pis sans pu tarder la plume en main je primes

Pour te faire tenir su mot de grand matin.


Mande nou comme va ta scianche et ta classe,

Tes bans et tan Regent, ta plache et tan fesseux « fesseus ». ;

Ne manque à le bailler à ten parrain Itasse ;

Tu contentras tan pere et le rendras joyeux.


Pis ne manque à venir ychitte ses feries « feriez ». :

J’avon oncor un coq aveus du sidre doux ;

J’avon tuay deux cochons dont j’avon les vesies

Qui pouront te servir de pieches o genoux.


Ta marainne mourut avant hier dla « de la ». verolle,

Faisant san testament a lessit san garcul

Et dit qu’on t’en pourret fere une quamisolle,

Ou te fere un mantel pour te couvrir le cul.


Si tu viens, ne viens seul, mais amene su Gille ;

Je feron du tourtel, dla fouache, des gastiaux ;

Mais ne m’amenne pu su courtisan de fille,

S’il ne veut vair froter, coume il set, ses nasiaux.


Adieu, man poure fils, jusques à la reveüe ;

Je m'erquemande à tay pu de chent mille fais.

Je ne verron jamais l’heure de ta venüe ;

Vien t’an devant les Roys, ou « sou ». ne reviens jamais.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 42-44.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique