Ste response sait donnaye


David Ferrand

Éléments contextuels

1645

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Ste response sait donnaye

A ma bonne et chere mere « merre ». Lison de S. Attourny, demeurant o Royaume d’Yvetot « d’Yvotot ». o bout du gros Perier.

Du port liart et demy.

Stanches


Ma mere, j’ay recheu de par vous une lettre

Qu’Itasse me fiquit o mains derrainnement,

Où je n’ay pas voulu cette faute commettre

De vo rendre quasi response incontinnent.


D’abord que j’aperchus une tieulle esloquenche

O vo sambliez morguer Plutarque et Ciceron,

Je pensais que che fut un homme de scianche

Qui me volut mander queuque mot de lichon.


Et pisque vo voulez de ma part des nouvelles,

Je ne veux pas fallir à vo les raconter.

Premierement par tout no vait lez Demoiselles

Des nix pour des bonnets sur leur teite porter.


Non, y fot commencher par la latinnerie,

Pis que dans votte escrit vo m’en pallais « paslais ». prumier,

Et monstrer que dans may n’y a pu d’annerie

Et que je sis tous yure à forche d’estudier.


Ouy, no vo z’a dit vray que je deuviendray dogue

Pis que j’ay randu reus « veus ». la classe et le Regent ;

Je ly mis dans man tiesme un aintieul epilogue

Quy n’y sçavet connettre un mot ocunnement.


Depis que j’ay quittay o terc le grand Colyaige

Et que je sis gerquay dedans stila d’en bas,

Au lieu (coume j’estais) d’estre dernier du siayge,

Je sis tout le prumier dans la plache d’en bas.


Je me sis eslanchay dedans la Rhetorique

Oncor bien que j’estais qu’en siziesme autrefais.

Niautmains je ferais o pu sçavant la nicque ;

Je si trop rafinay « rafimay »., je ne sis pu des niais.


Pour chen qui est des bans, leur structure est royalle ;

L’y a des fleurs de lis et plusieurs qualitez ;

Pis no vait o mitan l’arme arquepiscopalle

O no vait du Prelat les belles qualitez.


Pour venir o Regent, las ! ch’est un si bon homme ;

Il est dans la doucheur ossy doux qu’un agnel ;

Il n’y en a pas un de tout tant que je somme

Qui ne crait que san corps sait composay de miel.


Je vo z’ay chy devant dict queulle estet « estes ». ma plache.

D’un costay vo mentez de parler du fesseus ;

Ny en a jamais z’eu, ch’est pour les quiens de cache,

Et n’y en era jamais : je soumes des Moussieus.


Oncor que depis peu deux classes y soient mises,

Les enfans qui y sont sont tieullement prudents

Qu’ils ne donnent sujet de lever leus quemises,

Tant dedans leur lichons no les vait deligents.


No me voulut bouter dans les classes fameuses

Pour estre le fesseux, mais je n'en voulus brin.

Diantre ! mes povres mains ne sont pas trop nerveuses ;

Je les veus conserver pour manger du gratin.


Qui pis est « Qu pis en »., depis peu, dedans la Rougemare

Il y a des rocquentins qui en font absenter ;

Chenla o correcteur dia besongne prepare ;

Il vsera san bras à « fin ». forche d’en fesser.


Pis que je somme o jeus, ils font des cabriolles,

Des farces, des baltets si dieuxtrement cousus,

Et cueuillent d’un chequ’un tant d’or et de pistolles

Qu’ils deviendront un jour pu riches que Cresus.


Je crais qu’ils sont sortis des regions infernalles,

Tant ils contrefont bien les sorciers et démons ;

Je crais que no ne vait dans ocunnes annalles

Des gens qui ayent eu tant de perfections.


Laissons su tiatre à part, reprenons notte lire.

Coume je vo z’ay dit, no me voulez bouter

Pour estre correcteur, mais je ne voulus nuire

A su biau jouvenciau qui s’y vint presenter.


Il y est installay ; Dieble en port ! ch’est un drolle ;

Il exerce si bien tous les jous san mestier

Que no fait esclater san nom de pole en pole

Pour sçaver coume y fot le z’asnes quastier.


En fin lesson lay là et prenon notte routte

Sur un autre sujet qui set pu serieux ;

Pis je crains que queuqu’un ses parolles n’escoutte

Et me tint par apres pour un injurieux.


Je me fusses bien mis dans la pedanterie,

Mais, morbleu, tout par tout no se mocque trop d’eux

Pour may, je n’ayme pas biaucoup la moquerie,

Oncor bien que je sais le mestre des mocqueux « mocqueus »..


Quand no z’est dans st’etat, ch’est un diantre d’affere :

Y se fot habiller tout d’une « unne ». autre fachon ;

Et pis, je ne sis pas expert à contrefere

Men maintien que j’avais d’estre garde cochon.


Aintel oparavant n’estet rien qu’une beite

Qui paret à present un insigne docteur,

Et n’avet de san temps de chervelle en sa teite

Qui comme o pu prudent se fait porter honneur.


Il fot à su mestier mettre o piais des botinnes ;

Je n’en sçaurez caucher, je me laisserais quair ;

Il faut aver des gands et des mains trop poupinnes :

Plustot que d’en aver je mourrez volontiers.


Je ne sçaurez porter les grands queuës de vacque,

Je ne sçaurez porter un si fameux capel,

Je sis par trop content quand dedans ma casaque

Afflubay coume y fot demeure « demeurer ». man musel.


Ch’est assez su su point usay sa bagoulierre ;

Il no fot vittement prendre une autre canchon.

Pis n’y a pas biacoup dedans me n’escritoure

D’ancre pour vou narrer une aintieulle oraison.


Venons à discourrir des affaires publicques.

No z’acret tous les jous « ler jous ». à Roüen les Espagnols,

Et me n’oste a usay desja pu de dix picques

Pour en cage garder ses diantres de linots.


No dit que Gassion de sa pissante ermaye

Deffit derraynnemant le Mareschal Lamboy,

Les Espagnols « Epagnols ». o camp pleurant à gueulle « geule ». baye,

Tout prest de rendre l’ame et le dernier aboy.


No change tout le z’ans de maniere nouvelle ;

No z’entend tou mes bons dans Rouen bourdonner

De vair le Pis fecond en moucqueus de candelle

O Naudin ne seret pu se n’avi y donner.


Les cappias « coppias ». sont pu grands que de couvres lexives,

Que no porte asteur chy les ptits bords sont bannis ;

Les filles à leur teite ont de vrays becs de grives,

Et no vait par tout des piaffeus infinis.


Je ne sçay si je dais vo z’aller vair ses feites

Pour baire votte sidre et vider « et de vider ». vos poinsons,

Car le vin est si bon et j’y fais tant la feite

Que je ne fais pu cas de vo z’autres bessons.


Il est à bon marché, dans Roüen no le donne.

Nyomains, pour vous vair je ne laisseray pas

D’emmener aveuq may la meilleure personne

Que no pisse trouver au Colliaige d’embas.


Gilles dont « don ». vo parliais est allay à la guerre,

Se presentant o cous y mourut des prumiais.

Nyomains, il avet « avez ». un si bon chimetierre

Qu’il mit un Espagnol à terre par ptis miais.


Je n’y manqueray don pas à vos m’errequemandes ;

Aprestez le garcul pour me faire un mantel ;

Faictes pour me souler une fouache bien grande,

Car je veus aveuq vou me souler de gastel.

Fin.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtieme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1644, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 44-50.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique