Un Corporal quemandant sans espée
David Ferrand
Éléments contextuels
1646
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant rial
Je me caufais esair à la serie,
Pres de men feu, ayant beu du froc ras ;
Dans me n’esprit j’avais un grand tracas,
Pour vo prosner à ste cerimonie
Queuque sujet, car je n’en avez pas,
Quand men vezin allumant sa candelle
Me dit : « David, je sçay une nouvelle
Dont no pourret bien rire o Palinots ;
Le sujet est advenu ste relevée :
Ch’est que j’ay veu, pour te dire en deux mots,
Un Corporal quemandant sans espée.
— Sais bien venu, men vezin, je te prie ;
Tien, bais un coup, et te siez, si tu es las ;
Raconte nou coume su fier à bras
A bien ozé mener sa compagnie
Sans aver pris prumier sen coutelas.
— Tu sçais assez coume o no z’amouchelle
A su tambour, et quement no z’appelle
Run apres run la troupe d’Espagnols
Que Gassion a si bien attrappée.
Y là fut veu farcy des harens sors
Un Corporal quemandant sans espée.
« Ayant par trop humé de rouge pie,
Ainchin qu’en garde y font plusieurs repas,
Recheu seu conte et fait tout sen tracas,
Ayant un ptiot sa caboche estourdie,
Y s’en revint pour redechendre en bas.
Mais y tumbit haut en bas de l’esquelle
De sen fourrel sortit se n’allumelle
N’estant bleché y s’en court ossi tost
Pour amener en garde se n’ermée
Qui se riet de vair mal à prepos
Un Corporal quemandant sans espée.
« Y fut ainchin bien deux heure et demie ;
No riet de chen qui ne savet pas ;
Un Officier ly descouvrit le cas
En ly disant : « Ch’est une vilennie.
Où avez vou mis voste estoc de Damas ? »
A su prepos tout le corps ly saumelle,
De sen fourrel tout le monde y querelle « quærelle ».,
Cherche par tout, vaire souz les fagots
Veir si queuqu’un l’y avet point boutée.
Enfin restit ayant le nez bien mos
Un Corporal quemandant sans espée.
« Ayant par tout fait sa querimonie
Et fait encor bien du sabat à cas,
Dit : « Qui sont ceux qui m’ont dreché st’apas ?
Par la morgoy, y faut qu’on me le die. »
Aux Espagnols conté mille fatras,
Un d’eux ly dit : « Ne faut point que je te celle ;
Y faut que tu ouvre ichy te n’esquerchelle
Pour bien tretter trois ou quatre falots,
Quand tu es tumbé, qui te l’ont ramassée. »
Ce qui fut fait, demeurant en repos
Un Corporal quemandant sans espée.
Envay
Vou, Coporiaux, poseux de sentinelle,
Pour ne tumber sur une affaire aintelle,
Ne videz tant de pintes et de pots ;
Le vin nouvel rend la teiste troublée.
Ne faites vair, quand vou serez piots,
Un Corporal quemandant sans espée.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1645, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 55-57.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
–
Commentaire linguistique
–