La Musique est en stens chy tresalée
David Ferrand
Éléments contextuels
1646
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Autheur se complaint de ce que les anciennes coustumes s’abolissent, et que le Puy
de saincte Cecile, qui se celebroit si ceremonieusement, avec des prix pour les meilleurs
Musiciens, est entierement abbatu.
Cant rial
Que fais-tu leu « leuq »., compere Dominique,
Opres ten feu fezant du marmiteux ?
Ne songe point o temps malencontreux,
Et, pour nyer « nier ». st’imeur melancolique,
Allons trinquer ensemble un coup ou deux.
— Cousin Robert, y faut que je te die ;
Je sieux tourjours « tousjours ». dedans ste delousie,
Veyant que tout ne va qu’à reculons ;
N’y a pu d’accord en ocune assemblée.
Comme disest avontier des foulons :
La Musique est en stens chy tresalée.
Je pense may que tu es frenetique.
En queu temps donc deviendra t’on joyeux,
Qu’alors qu’o vait illoque en divers lieux
Le z’etendars du bon Père Bachique
A maitié mains que non pas les vins vieux ?
— Que sert chela ? (dis un ptiot, je t’en prie) ;
Quand l’esquerchelle est d’argent desguernie,
Qu’o n’a queu say pain, chair, bois, ny oignons,
Qu’o z’ost viper otour say sa genée,
Peut-on pas dire aveuq justes raisons :
La Musique est en stens chy tresalée ?
A su pays bon temps a fait la nique ;
No ne vait pu sen muzel gracieux.
Adieu les bals, les dances et les jeux,
Les passetemps de la vie rustique
Où les garchons dansest à qui mieux mieux !
Tout est riflé, toute la Normandie
Ne peut guerir de cette maladie.
D’autres « D’autre ». chinq pas no n’o z’aprend, garchons ;
A Sainct « saincte ». Aignen, qu’o dit la belle allée,
Y n’y era vielles ny violons :
La Musique est en stens chy tresalée.
O temps passé, par une reigle antique,
No z’onoret « No honoret ». en lieu devotieux
Sainte Cecile « Cicile »., et d’un devoir pieux
Ceux qui fesest le mieux à la musique
En emportest plusieurs prix glorieux.
Et niomoins, dans ste cerimonie « sans ste ceremonie ».,
No n’y a pas oüy st’an ocune armonie.
Euterpe fut y là sans ses mignons,
Et ses suposts avest la gueulle « geueulle ». bée ;
Chequn diset, n’oyant point leu canchons :
La Musique est en stens chy tresalée.
Pourquoy quitter su concert armonique,
Qu'est prouenu du tourniment des Cieux ?
Avest t’y beu de ce fleuve oublieux
Qui leur donnet cette hymeur litargique
Qui les rendet si tristes à no z’yeux ?
Si l’avest tous esté à queuque orgie
Du bon Baqus qu’est le pere de vie,
Le ventre en table et le dos o tisons,
Beu le muscat à teiste defulée,
No n’eut pas dit, en oyant leu canchons :
La Musique est en stens chy tresalée.
Envay
Loüé set Dieu et la Vierge Marie,
Que notte Puy, qui tousjours fructifie
En gens de bien qui accraissent « accroissent », « accraissant ». sen fons,
Pour maintenir ste candelle allumée ;
Allons queu vou, Prinche, je ne dirons :
La Musique est en stens chy tresalée.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1645, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 57-60.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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