Su Chabrenaut rafraichi par sa femme
David Ferrand
Éléments contextuels
1646
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal
Tiray du 6. Chapitre des Femmes qui battent leurs Maris.
Ch’est o jourdy qui faut qu’o s’amouchelle
Pour vair prosner la plesante nouvelle
D’un povre chabre assez malencontreux ;
Venez ichy, mes Bons, no vos appelle
Pour chacouter su tret fachecieux.
Ne sait t’en pas qu'en la chavaterie
No rit toujou de queuque drolerie ?
Tantot y sont fessez pres de Rouen,
Tantot y font queuque tracas infâme ;
Mais o jourdy no veit bien autrement
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
Che n’estet point su mouqueux de candelle,
Oncor qui set un couseux « couseur ». de sumelle,
Car no sait bien qui se gouverne mieux.
Jamais no n’a veu dans sa parentelle
Rien qui taquit le patron ni ses fieux.
Che n’estet point Cadet la Mistourie,
Mes ch’est stila de la Marequerie
Qui demouret pres ses moulins à tan.
Qu’a t’il donc fet ? D’où vient que no le blasme ?
Pour vair ainchin derangler hautement
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
Vos en orrés raconter des pu belle
Sur le suget qui mouvit sa chervelle
Pour se monstrer en habit somptueux ;
Car il vendit alene, soix pourchelle,
Sen saint Crépin, ses souliés neufs et vieux.
Ossi joly qu’une bru qu’o marie,
Dit à sa femme : « O cha, ma chère amie,
Je veux aver un office a present ;
Le tirepied tous les genoux m’entame,
Si no ne vait dans se n’avanchement
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
— Comment ? morguoy « morquoy ». lors s’écriit Michelle ;
Tien tay putost le cul dessus ta selle ;
Prens ten chegros, tu n’es rien qu’un caleux.
Hay pense tu d’une cherge nouvelle
Te fere vair aveuque chés Monsieux ?
Il feret biau vair ten nez à roupie,
Ten cul de gatte et tes gambes de pie ;
No te prendret pour queuque sot Joran. »
Ainchin Michelle ayant contay sa game
Prend et espouste ossi tost dieblement
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
Il s’égueulit d’une fachon aintelle
Que les vesins s’en vindre à la querelle ;
Y contemplest oncor sen biau mireux,
Gros, rebondy, et chez bres en harchelle
Qu’en gambillant il dechirit en deux.
Il fit un pet d’une si grand furie
Qui l’etourdit toute la compagnie.
Ch’etest de pur, o bien putost d’anhan ;
Et, en pleurant, sen pardon il reclame.
No vit ainchin fesser gaillardement
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
Envay
Vou qui vivés en la mesme freurie,
Chu bel yeuxample o jourdy vo convie
De n’aller pas fere semblablement ;
Vos encourriés de la haingre et du blame,
Quand no s’iret vo conter plésamment
Su Chabrenaut rafraichi par sa femme.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1645, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 60-62.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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