Sur l’Arrivée des soudars à Rouen
David Ferrand
Éléments contextuels
1646
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Pour remplir le reste du Papier blanc :
Sur l’arrivée des soudars à Rouen
Stanches
Dieu merci ! les Soudars qui viennent de la guerre
Ne sont trop labitez ni oncor trop hequeux,
Ainchin coume qeuqu’un no le fezet accrerre,
Pour y aver estay o camp un jour o deux.
Je les vayon passer en fezant des bravaches,
Aveuque les z’abits de ses povres Flamens ;
Y vo font tous les jours dans Roüen des menaces
Et veulent qu’o les mette o ren des bonnes gens.
Y sont honnestes gens, s’on les prend à leur dire ;
Tousjours le nom de Dieu est en leu bagoulier,
Et si de chennela y ne s’en font que rire ;
Qui pirs qu’eux en fait est leu grand quien à colier.
Dés l’heure qu’ils ont pris, estant assis en table,
Trois chopine ou deux pots de notte vin nouvel,
Y vo detestent Dieu pu chent fais que le diable,
Et quand pour may je crais qui l’entre à leu chervel.
Tout devant votte nez y font des pedagogues,
Y vo garfoüilleront la chair de leu repas,
Et, fussent t’y oncor ossi sous que des dogues,
I vo demanderont chen que vous n’erez pas.
Y vo dierront : « Y faut aver de z’aloüette,
Des plouviers, des perdrix, des cailles et lapins ;
Notte chef s’attend bien qu’en su lieu no no trette.
No pense t’on nourrir ainsi que des coquins ? »
Ah ! coquins enragez, retenez vous en serre ;
Contre ces pauvres gens vo faut t’y estriver ?
Ne vo souvient t’y point que jeusnant à la guerre,
Qu’ou donniez à vo poux d’autre quartier d’hyver.
Si vo ne leu fiquez tout à leu fantasie
Chen qui demanderont (pretendant de l’argent),
Queu vou y vo feront une machacrerie,
Ainchin comme y l’ont fait hier opres de Roüen.
Notte vezin m’a dit, revenant dans ste ville,
Qui l’en veit mener un de ses gens sans raison
Qui apres estre saux illoque prés Deville
I l’avet machacré l’hoste de sa maison.
Ch’etet les poysans qui le mirent en cage
Dedans su vieu Palais, estant erguillonnez.
Mais no m’a dit qui l’est asteure en Bailliage
Et qui sera bien tost o marché à poulets.
Dieu pardonne souvent à notte malefice ;
Mais à l’heure qui vait que no z’y persistons,
I no laisse tomber o mains de la Justice
Pour no tirer o Ciel si nou no repentons.
D’estre pendu si ch’est se n’eure destinée,
Dieu ly donne sa grace en chantant le Salue !
Je perdray à gaigner une demy journée
Afin de ly donner un Pater et Ave.
Je supplie o bon Dieu qui no desseins contemple,
Qui veut que no vivions selon ses saintes Loix,
Que stichite qui dait mourir pour un yeuxemple
Serve o soldats tyrans des povres vilageois.
Fin
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1645, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 78-80.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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