Les Gogots prins comme oysons prés de Loye


David Ferrand

Éléments contextuels

1627

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

En 1627, les ennemys de la France susciterent l’Anglois à venir au secours de la Rochelle, où vint Bouquinkan, chef de leur armée, avec vingt « ving ».-cinq ou trente vaisseaux de guerre, pensant faire descente dans l’Isle de Ré ; mais le courage et la vaillance de Monsieur de Toyras, pour lors Gouverneur de cette place, s’opposa tellement à leur entreprise, qu’il les deffit entierement proche d’une petite isle nommée Loye, où en furent beaucoup de noyez, ce qui servit de subjet à ce « à ce à ce ». Chant Royal.

Cant Ryal

J’estais plaqué le cul dessus « dessu ». ma selle,

Graissant me pain d’un lopin de pourchel,

Lors que Drien, fils de la grand « grand’ ». Noüelle,

Me dict : « Gervais, il y a bien des nouvelle « nouvelles ».,

Viens aveu may, prens vitte ten mantel.

— Pourquay ? ly fis-je ; y a t’y « y a t’il »., ste relevée,

Dans su « Dans le ». burel pour nous queuque assemblée ?

— Nennin, nennin ; vien t’en à su Palais,

Vair ses Monsieurs qui font un feu de joye

Parche qu’on z’a, mogré les Rochelais « Rochelois ».,

Les Gogots prins comme oysons prés « prez ». de Loye.


— Quay ! Bouquinkan « Bouquinquan ». qui dedans sa nacelle

Avait niché tant d’oysons « oisons ». à mouchel,

A t’y desja enfillé la venelle,

Ainchin que fit du temps de la Puchelle

Ses peres « sa nation ». grands par un grabuge aintel ?

— Ouy, maints oisiaux « oysiaux ». de sa mesme couvée,

Ainchin que ly ont la gueulle « geulle ». bée ;

On leu en vait le nez pu plat qu’un ayz « aiz ».,

Parche qui ly ont enveyé leu monoye.

Car tieulle « tieusle ». gens soudaiest « soudayest ». à leu frais

Les Gogots « Gogos ». prins comme oysons prés « prez ». de Loye.


— Drien, dy may, je t’en pry, par parchelle,

Comme a esté machacré su troupel.

— Ch’est, que voulant griper la Citadelle,

Y l’y ont jetté cordes, crapons, esquelle,

Pour la saper du fond jusqu’o « jusqu’au ». coupel.

Monsieur Toyras « Le Gouverneur »., vayant « voyant ». ste grande « grand ». hemée,

Sus se z’oysons fit harer se n’armée

Qui les haguit comme chair à pastez ;

Pis, furlufé, il poursuivit sa proye,

Jusqu’à leu pont, où fut dans les marais

Les Gogots prins comme oysons prés « prez ». de Loye.


« Vinte chinq chents de « chens des ». morts no z’amouchelle,

Qui ne bairont de notte vin nouvel.

Le reste estant touché sans escroüelle « escroüelles ».

Brize leu pont, che qui en fit pesle-mesle,

Trinquer biaucoup « beaucoup ». o fond d’un grand canel.

Loys, petite isle o refuge assinée,

Ne voulut pas sauver tieulle genée.

Baqus d’engaing pour les torts à ly faits

Veut que se n’oncle o z’enfers les convoye.

Vela, Drien, comme ont esté deffaits

Les Gogots prins comme oysons prés « prez ». de Loye.


— Mais où est Soubize ? Est-t-’y dans la Rochelle ?

— Ouy, mais y la vn bien grand chifrenel.

Ly, Bouquinkan et le sien qu’on z’apelle

Duc Palatin, (remueurs de querelle)

Lou’ront de Boule ensemble o renouvel.

Quand Bouquinkan « Bouquinquan », « Bouquikam ». fera se n’arrivée

Dans sen pays, Dieu sçait queule « queulle ». gohée

On ly fera pour ses glorieux faits.

No ly dira que ch’est un Jean de Cloye

D’avair « D’avoir ». souffert qu’on z’ait veu à sen naiz

Les Gogots prins comme oysons prés « prez ». de Loye. »

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Troisiesme partie de la Muse normande, Contenant les œuvres jovialles qui ont esté présentées cette année aux Palinots, 1627, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 53-55.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Le 21 juillet 1627, le duc de Buckingham opéra une descente dans l’île de Ré, accompagné d’une flotte considérable. Toiras, le gouverneur de l’île, parvint à repousser l’attaque et le siège fut levé le 8 novembre.

Commentaire linguistique