Les preneux prins qui pensest tourjou prendre
David Ferrand
Éléments contextuels
1647
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant rial
A la louange de Monseigneur le Duc d’Anguien, sur la prinse de Dunquerque.
Bon sair, nigon ; et bien ! queulle nouvelle
As-tu aprinse ennuit à nos quartiers ?
— Rien, par ma fay ; mais su grand Gallumelle
Me dit essair allumant sa candelle
Que no pallet de queuque chavetiers.
— Tu es un niais, che n’est pas là l’affaire ;
Vien quand et may, et tu no verras faire,
Pour s’aprester à baire à des santez,
En commenchant à su jeune Allissandre
Dont le pouver fait vair de tous costez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
— Vremen chemon, tu me la baille belle
De me planter des bourde au lieu d’oziers.
Dunkerque est prins. Quay ! ste petite Rochelle
O no fezet tourjou la sentinelle
Pour y garder ces tritres boncroutiers ?
Ch’estet l’endret o ces marchands de fayre
Fezest porter et du blay et du baire.
En bone fay y sont bien estrapez ;
Y ne faut pus asteurchy leu deffendre,
Pis que tu dis qui sont ainchin hapez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
Su duc d’Anguien, dont la glore immortelle
Se fait valler parmy tous nos guerriers,
Va tout devant aveuq se n’allumelle
Couper, trencher toute chette séquelle
De Dunquerquois jusques à leu terriers.
Enfin chela est tout vray, mon compere,
Et oncor pu fait sortir chez corsaire
Qui no vollest et nos biens et nos mets.
Ch’est don pourquay y no z’en faut bien rendre
Grace o bon Dieu de no z’aver ostez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
Che n’est pas tout ; notte Prince fidelle,
Qui les veyet tourner comme espreviez,
Les laisse aller esluger leu chervelle,
Comme y fallet apaiser ste querelle,
Pis qu’ils avest commenchay les premiers.
Les via en soin de chen qui daive faire,
Disant ainchin : « Su bon Dieu debonaire
Era pitié, no jetant à ses « à ces ». pieds,
Allon y don et sans pu rien pretendre
Dison tout haut : Y sont bien castiez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre. »
Su bon Signeur qui ne craint la cautelle
Sans s’esmouver les rechet volentiers,
O ch’est qui vait escrit dans leu libelle
Comme y voulest vivre et mourir d’un zelle
(Pour notte Roy) leurs « leur ». serviteurs entiers.
Su Mars joyeux d’entendre tieulle affaire
Par charité y leu voulut complaire,
Leu dit : « Allez et vos pacquets pliez ;
Depeschez vou ; viste sans pus attendre. »
Vla comme ainchin y les a renuyez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
En le veyant dans une humeur aintelle
Comme renards revont à leu teniers,
Pour advertir que pieche ne grommelle
Quand no verra dans ste ville rebelle
Entrer la fleur de tout les quevalliers,
O si no veit bien tost tout le contraire,
Car nos eust dit que ch’estet des forçaire
Qu’un gomitre eust d’une quaisne enquaisnez.
Ch’est don qu’ainchin il a fallu suprendre
Ce z’Espagnols que nos avon nommez
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
Envay
Pis que Dunquerque est prins notte adversaire,
Prinche du Py, y ne no faut pas taire,
Mais bien putos faut ouvrir nos goziers.
Allon queu vou, no ne no fait qu’atendre,
Afin de dire à vos bons sommeliers :
Les preneux prins qui pensest tourjou prendre.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXIII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1647, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 99-102.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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