Un chabrenaut fesant la femme en couche
David Ferrand
Éléments contextuels
1647
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant rial
Tiray du 48. chapitre des Ordonnances du corps d’Estat, Vrelutus aut chabrenautus
si quis sectione 5. paragrapho 90.
Chabres, vrelus, racoustreux de sumelle,
Orfévre en cuir, Messieux par calitay,
Aveu mes bons qu’ichi no s’amouchelle,
Et chacoutez la nouvelle nouvelle
Du tret nouviau qui vo sera contay.
Lorgnant en haut, la main dans vo pouquette,
De pur sur tout qu’un autre ne l’i mette,
Oyez proner le fet et l’ergument ;
Vo connestrez, à la pierre de touche,
Que dans un lit no veit derrainement,
Un chabrenaut fesant la femme en couche.
Estant un sair le cul dessus sa selle :
« Il faut, dit-il, fere une nouviautay ;
J’ay ruminay, ste nuict, dans ma chervelle,
Qu’il me faut prendre un habit de fumelle,
En me plaignant du ventre et du costay. »
De promptitude il rompt se n’eguilette,
Deffait ses brés, sen pourpoint bas il jette,
Prend un capron, change d’accoustrement
Estant ainchin fait en sainte nitouche,
Entre deux draps se fiquit plesamment
Un chabrenaut fesant la femme en couche.
Tout ossitost, vechi venir Miquelle,
Dont le fratel fut lontans escoutay,
Car a croyet que ce fut Gabrielle,
Seur uterine à chu grand Galumelle,
Qui s’en allit plaquer bas sen patay.
« Viste, dit a, que soudain nos appreste
Des lincheux blancs, essellette et couchette ;
La sage femme est ichi bas qui attent ;
Mais a sera abuseye à la touche,
Quand a verra dans se n’effrayement
Un chabrenaut fesant la femme en couche. »
A met ses bras tou nus jusqu’o esselle
Et dans les draps trouve un frit avortay
D’estonnement ossitost a saumelle,
Et les vesins, que par tou nos appelle,
Furent confus d’ouyr la veritay.
Quatre balais promptement nos achette
Pour estriller chu mignon de couchette ;
Chaque vesine en donnit carreiment
Dessu sen cul, redoublant l’escarmouche.
Ainchin no veit espoudrer dieblement
Un chabrenaut fesant la femme en couche.
Le corps d’Estat, o brit de la nouvelle,
En chu quartier promptement transportay,
Fut adverty que l’affaire estoit telle ;
Pour le punir d’une honte eternelle,
Le nom de chabre alors ly fut ostay.
« Quay ! nos a veu, o son de la trompette,
Marcher antan les loix que j’avon fête ;
L’entrepreneur fut loüay hautement.
Aprenez donc l’arrest de nostre bouche :
Je banissons par un degradement
Un chabrenaut fesant la femme en couche. »
Envay
No doit louer, Messieux, qu’o le permette,
Vostre mouqueux qui tira ses brez nette ;
Il veit fort bien, ch’est un sire prudent.
Regardez lay, vo diriez qu'il n’y touche
Che n’est pas ly que je nomme à present
Un chabrenaut fesant la femme en couche.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXIII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1647, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 102-104.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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