Le corps d’estat reduit à la reforme


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Nobles Vrelus, seigneurs de la sumelle,

Petits et grands, tant jeunes comme vieux.

Comme marcoux ouvrez ychy vos yeux ;

La teurque o poin tretous no vou z’apelle

Pour reparer l’honneur de vos ayeux.

De fait, Messieux, queule imeur vo convie

A quereler le repos de leu vie ?

Le temps devret leu delit effacher.

De su mestier que peu no ne s’informe,

Car contre vou se pourret bien facher

Le corps d’estat reduit à la reforme.


Ouy maintenant la reforme en est telle

Que, pour braver le caquet des moqueus,

No ne dait pu vair de sotise entr’eux ;

Quand se seret le mouqueus de candelle,

Il se promet de faire mieux en mieux.

« Ch’est grand pitiay, disent-ils, que no die

Qu’il n’y a rien que la chavaterie

Dont no z’entend dedans Roüen paler ;

A chelle fin de se rendre conforme

Aux gens de bien, ch’est qu'il faut instaler

Le corps d’estat reduit à la reforme. »


Le conseil tint queu la grande Michelle,

O le banquet y estet somptueux :

Le cœur de bœuf avec le gaune d’eux

Et les trotins à la sauce nouvelle

Fesest lequer les barbes des morveux.

Le souper fet, un caqun no convie

A derangler devant la compagnie

Chan qu’on trouvet obmis à observer.

Un prononchit sens aucune autre forme :

« Il nous faut tous maintenant conserver

Le corps d’estat reduit à la reforme. »


« De queu moyen faut-il qu’o renouvelle ?

Se diset un d’un prepos tout fameux.

Notte mestier n’a rien de moquereux ;

Si queuque sot par hazard no querelle,

Il faut « faus ». le prendre à cul et à queveux. »

L’autre répond : « Non, non, ch’est moquerie.

Se sret oncor resmouver raillerie,

Le milleur est de se bien comporter

Et de ne pu se monstrer si difforme

Aux imposteurs qui souloint mespriser

Le corps d’estat reduit à la reforme.


« Prumierement il faut que su la selle

Nos compagnons ne levent pu le z’ieux,

Car ils estoient tourjou si curieux

Que, s’il passet queuque poule sans aille,

Ch’estet à qui seret le pu railleux.

En second lieu, les feites et feries,

Chacun se dait trouver au confrairies

Et comme entan n’y pu du tout porter

Sa piau de cuit ; car chanla déconforme

Et sembleret tout à fait diffamer

Le corps d’estat reduit à la reforme. »

Envay

« Frotez vous y contre notte allumelle,

Et vo verrais chan que sçait l’esmouleus.

Je craindrais bien qu’apres tou vos bias jeus

Queuqun de nou vo z’autre n’apatelle

Pour no z’aver estay si querelleux.

Si autre fais par queuque jalousie

No se moquet de la chavaterie,

A la Mivais il n’y a peu d’osier

N’y veyant peu que le tronc du povre orme,

Vo pourrez bien à la fin oublier

Le corps d’estat reduit à la reforme. »

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 106-108.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique