Le Quevalier montay sus une Anesse


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant rial

L’ergument est que Drian Poussemie, revenant de la Bourdigade, rencontrit une Asne à sa porte, et se jerquant dessu il alit par toute la ville, se pavannant et tirant à say la risaye de biacoup de Bourgais, et la sieute de plusieurs enfans aprez ly qui le conduirent jisques à sa maison, ainchin montay su su biau Buchephale d’Arcadie, chan qu’est r’aportay par plusieurs tesmoings oculaires, Vendredy derrain.

Messieurs d’là has, o piqueurs de masette,

Venez entendre iloq vote lichon.

Venez, venez, un caqu’un vo souhaitte ;

Vo tardez bien ; qu’es che qui vo z’areste ?

Ignorez vou qui est su biau garchon ?

Un autre Hercule ou putost un Persée,

Vo vient monstrer une autre chevauchée

Et vos accuse estre des ignorands.

Guignez lay bien, admirez sa sagesse,

Et contemplez en ses deportemens

Le Quevalier montay sus une Anesse.


Su gros loru, su fesseus de bisette,

Su boursouflay, st’abille maquinon,

Popre à pousser le cul d’une broüette,

Veut faire vair su l’asne à Guillemette

Qu’il est bon drole et plaisant compagnon.

Y la trouvit o pas de se n’allée,

A san martel proprement amarée.

Je pense may qu’a l’est de ses parans,

Car a ly fit de si grandes caresse

Et saluit de si doux complimens

Le Quevalier montay sus une Anesse.


Tantost drechant, tantost baissant la teste,

A ly monstrit sa bonne affection,

Tenant tourjou se n’oreille si drette,

Et de sa queue a fesait tant la feste

Qu’il admiret l’adreche de st’asnon.

« Vramant, vramant, se dit-il en risée,

Ste beite ychy est bien civilisée. »

Pis ly fesant d’humbles remercimans,

Il y plachit san gros pere de fesse,

Et par la ville eut ses contentemans

Le Quevalier montay sus « sur ». une Anesse.


Ainchin jerquay su sa noble sellette,

Il se carret avec ambition ;

Tantost il picque et tantost il s’arette,

Pis de san cul a joue d’la trompette

Comme portant un genereux poltron.

D’un vent d’orgueil « orgeuil ». ste beite estant enflée

D’aver su elle un si grand Briarée

Tirant à ly l’œil « ly œil ». des honnestes gens,

Un Buchephale estoit moins en adresse,

Tant qu’a l’aymet à monstrer aux passans

Le Quevalier montay sus une Anesse.


Su st’animal tenant l’équigne drette,

Les guerets mos, une main su l’arson,

L’autre fiquaye o fond de sa pouquette,

Ne l’eut on point prins pour un esquelette,

Que no z’eut mise à l’entour d’un baston ?

Par tout la ville ayant fait sa tournée,

A se n’ostel sitost l’a remenée ;

Ne via t’il pas un plaisant passe temps ?

Et pour sa peine il la fit se n’hotesse,

Pis disparut, laissant là ses sieuvans,

Le Quevalier montay sus une Anesse.

Envay

Prinche, excusez su subjet que je trette,

S’il ne fut point hier en perfection ;

Car je craignez que su picque masette,

Su quevalier, aveuc sa cordelette,

Ne m’eut chablay d’une bonne fachon.

Pis je doutais si votre renommée « ronommée ».

Su su subjet n’eut esté diffamée,

Veu qu’à cheval en guerre tou les ans,

Tu no fais vair tourjou queuque proüesse.

En rien de tay n’aproche niaumouans

Le Quevalier montay sus une Anesse,

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 114-117.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique