[Ste missive] sait fiquée entre les pattes de man fieux
David Ferrand
Éléments contextuels
1647
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
[Ste missive]
Soit fiquée entre les pattes de man fieux, man fieux Jean le Loru, Maistre Cuistre
à Paris, et pretendant à l’ogre de l’hermitage de la Boüille.
Man petit trognon Jean, ch’est tes deux frere et may
Qui nous requemandon à tou tes bonne graces,
Et te prions et tout de no mander un poay
Chenla qui s’est passé de nouvel à tes classes.
Je devrede d’enhan que tu te n’es allay
Hors d’ichy, pour aver un office de Cuistre,
Tu eusse bien mieux faict d’y estre demeuray,
D’autant qu’on a soufrete à Rouen d’organistre.
Tu es tant regretay de tout notte quartier
De te n’amy Robin, de te n’ante « ta nante ». Marie,
De stila que tu sçais qui no dit avanthier
Qu’il estet intendant dans la pessonnerie.
Tu sçais, quand tu partis, que tu en estais priay,
Qu’on t’avet amenay une beite de cache ;
Mais, pour t’en excuser, l’on m’amenit pour tay,
Et fallut mogré may y aller à la plache.
J’arrivis (comme on dit) assez tost pour disner,
Car chequ’un commenchet à joüer des babines ;
Et, niaumains chela, je ne laissis d’entrer,
D’autant qu’on m’apercheut estre une des cousines « cousine »..
No z’avet en entrant servi pour le premier
Pour les honnestes gens un plat de fricassaye,
Qui comme une navette au travers du mestier
Alet et revenet par tout à la volaye.
Pour tous les autres mets que je vis aporter,
Il y avet du gargot, du pain benit à Suiche,
Trois plas de pieds de bœuf, et pis pour achever
Le biau petit goret de ta mere nouriche.
No decoure ossi-tost pour mettre le dessert,
Qu’estet comme la chair instruit à l’avantage ;
La pomme cuitte estet pour le premier couvert,
Et pour l’autre un gastel, des poire et du fromage.
Quand tout fut achevay, v[e]la deux feuletots
Qui, comme bon garchons, ap[ort]irent leu vielle,
Et fesoient tremousser et se monstrer dispos
Tous ceux là qui sçavoient des courantes nouvelles.
Quand no z’eut bien dançay, y falut estrener,
Où chaqun à par say feset la grise mine,
D’autant que pour si poy que no z’eut peu donner,
Chennela surpasset les frais de la cuisinne.
Le premier don che fut un biau pot à pisser,
Qui fut sur le basset mis par sa belle mere,
Lequeul pour estre neuf, avan que de disner,
Avet honnestement fait l’office de guerre.
Pis aprés j’estrenis deux escuelles, deux plats ;
Janneton, un garcul, avec se n’esquipage.
Mais le z’autres disoient qu’ils n’estreneroient pas
Et qu’ils vouloient manger et baire d’avantage.
No vayet estrener un parpoint, un bonnet,
Un candelier, un broc, un pere de pinchette,
Un gredil, un bachin, une pesle, un souflet,
Une lanterne, un pot aveuc une palette.
Quand no z’ut estrenay, la bru s’alit coucher.
Chequ’un criet : « Garchons, unne courante oncorre !
Vitte qu’on se despesche ! il est temps de quitter ;
Car ossi bien veit on qui l’ennuyé à Gringore. »
Durant que no danchet, je ly fis mes adieux,
Ne pouvan o pays demeurer d’avantage ;
Je priis o bon Dieu qu’il le maintint joyeux
Et an prosperitay dans san petit mesnage.
Te n’oncle eut de la poaine à me laisser aller,
Disant qu’o lendemain je ferions bonne cherre ;
Mais je m’en excusis et pour le contenter
Je ly dis qu’il m’estet survenu une affaire.
Je partis ossitost et m’en vins « viens ». à Roüen
Où l’i eut un escolier qui, sçachant tan menage,
Dit que tu as fait reux par chan fais tan regan,
Et que tu etés étout le premier du colaige.
Fin
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXIII. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand, 1647, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 117-120.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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