Le grand Proçais des fils contre leu Pere


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Pai-là, pai-là ! Par arrest revocable,

Je veux ichy contenter ses beyeux ;

Je ne leu paist leu z’esprit d’une fable,

Car la Gazette est bien mains veritable

Que men recit. Pai-là, dy-je, rieux !

Su bon Naudin, qui par un pieux zelle

En su lieu chy mouquet notte candelle,

Comme David pour sen recauffement

Mit dans sen lict sa bonne chambrière ;

D’où est venu pour se n’espousement

Le grand Proçais des fils contre leu « leur ». Pere.


Sa grand bontay qui le rend sociable,

Et qui le rend par tout officieux,

Pour assister à sa neuche honorable

Fit convier se z’enfans à sa table,

Mais tous avest le cœur ambitieux.

Le propre sair, pesquant à mesme escuelle,

Fut arresté pour coumencher querelle

(Leu mère estant dans le divorcement)

Que dans le meuble y n’y avet que faire,

Dont en provint par un adjournement

Le grand Proçais des fils contre leu Pere.


Leu fait estet un ptiot considerable,

Mais le Conseil veyant su pere vieux

Qui le z’avet traictez à l’amiable,

Le meuble estant couche, buffet et table,

Hors, sans despens y le z’envoye entr’eux.

De ste sentence « stentence ». un chequ’un d’eux appelle.

Disant : « J’avon de l’or à l’esquerchelle

Et yoncor pu de z’amis dans Roüen,

Qui par le drait videront notte affaire ;

Je gagnerons, ou l’y era bien du hen,

Le grand Proçais des fieux contre leu Pere. »


Le Parlement qui chemine équitable,

A pas de plomb, sans oreille et sans yeux,

Ost de z’enfans le fait considerable,

S’y l’y avoit un point de veritable.

Ils en trouvoyent dix de capricieux.

Y l’aleguest : « Si l’a de z’enfans d’elle,

A l’un de nous escherra la tutelle ;

Y partiront au meuble esgalement

Chen qui no z’est aquis de notte mere ;

J’en viderons par le haut Tu auten

Le grand Proçais des fieux contre leu Pere. »


Le Pere dit : « Il est bien vray semblable

Que j’avais lors quemises et lincieux,

Un bon habit et le mantiau sortable,

Menuiserie o temps assez passable,

Broque et landiez venus de « de » parfois omis. me z’ayeux.

Mais j’ay vendu coffre, table, vaisselle,

Pour le z’instruire à coutre la sumelle ;

Je le z’ay mis dans leu z’avanchement.

Me veulent t’y reduire à la misere ?

Videz, Messieurs, à votte jugement,

Le grand Proçais des fieux contre leu Pere. »


Cette rezon, qu’o vit assez palpable,

Vainq de la Cour les plus judicieux « indicieux ». ;

En balanchant se n’acte charitable

Ny l’un ny l’autre elle ne rend coulpable,

Hors des proçais elle les mit tout deux.

Là fut ainchin terminay leu querelle.

Mais apprenez, Naudins, su votte selle

Qu’envers un Pere il faut faire autrement.

Le cigne ossi vo fait vair le contraire.

Ne pensez pu à faire imprudemment

Le grand Proçais des fieux contre leu Pere.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 125-127.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique