Qu’il y a bien des quaires à refaire


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Ch’est grand pitié que dans su monde ychite,

Que no vait bien des sortes de traquas ;

Car, si l’un bait, l’autre ayme la marmite,

Le pu friand lecque la lechefrite,

L’autre à sausser sen pain dedans les plats.

Mais ch’est tout un ; si notte pauvre vie

Ne se veyet de misere suivie,

Je passerion « passeron ». tou chu temps sans douleur,

Au lieu de vin je bairions de la biere.

Ch’est donc pourquay je dis dans su maleur

Qu’il y a bien des quaires à refaire.


— Men cher Betran, tou le pu qui m’atriste

Et qui me rend men povre cœur si las,

Ch’est que no vait tous les jours « tous lerjous ». des suscites

Qui vont causant que je n’avon la pite « piter ».

Pour queuque fais piencher de su fro ras.

Ne t’enquiers don si la merencollye

S’est à present de ma teste saisie,

Comme tu vais à men pez la couleur.

Respons may don, comme un vaisin dait faire,

Ou je dierray, si tu n’ouvre ten cœur,

Qu’il y a bien des quaires à refaire.


— Hélas ! chemon, men bon amy Baptiste,

De mesme tay je sis le cul en bas,

Car autrefais dedans notte visite,

Y m’en souvien, la bone andoüille cuitte,

Ny le bon vin, chela ne manquet pas.

Mais asteur chy je n’avon que la lye,

De quay no faict la bechon d’iau de vye

Qui fait sequer la radicalle « redicalle ». hymeur.

Pis don qu’a l’est à nos corps si contraire,

Ainchin que tay, je le dis en doucheur,

Qu’il y a bien des quaires à refaire.


« O sy j’allions le temps passey trop viste,

Quand je faisions de su sidre degast,

J’en pattisson selon notte merite,

Pour en aver trop dragley sans condite,

Et sans beseing outre notte repas.

La bourdigade avecque sa manye

Nos inventet ste belle yvrongnerie,

Mais en chu temps chette douche licqueur,

Qui no saoullet jyqu’à battre sen frere,

No va monstrant, en quitant sa calleur,

Qu’il y a bien des quaires à refaire.


— Las tu dis vray, men Betran ; tu m’apitte

Quand tu me viens prosner tout ce z’ellas.

Y no faut don faire la cattemitte,

Pres nette feu, sans parolle malditte,

Palier un ptiot de ces rudes combats.

Ce z’Ieuspagnols qui sont dans ste Turie

Voudrestz quasi bien leu mettre en furie.

Mais tout chela ne no fait point de peur.

Sy pallent trop, nos les fera bien taire,

Car ch’est pour eux et à leu dezonneur

Qu’il y a bien des quaires à refaire.

Envay

Prinche du Pys, les quaires que j’ay ditte

Y sont queu nou quasi tout en un tas ;

L’antiquitay le z’a toute destruite

Jyqu’à su point que no le z’a reduite

A demeurer ny sans pieds ny sans bras.

Pour abreger l’ieuxplication finie,

Je dierray bien que dans la compaignye

Ainchin que may n’ait recheu tieul malhur ;

Donc pour servir à quacun d’ieuxemplaire,

Je dis oncor et dierray pour le sur

Qu’il y a bien des quaires à refaire.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 130-133.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique