Les Halbardiez engraissez par la garde


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Au temps que les Bourgeois faisoient la garde en la Ville de Roüen, les Officiers (non les Capitaines) les gouvernoyent avec tel orgueil et ambition que l’on fit expres cét ouvrage.

Cant ryal

Coume j’estez dans une resverie

En me coffant opres « o prez ». de mes tisons,

Lors j’entendis une grand’ compagnie

Qui pour « por ». leur brit et leur cajollerie,

O n’u point dit d’une bande d’oysons.

Un tout dolent va coumencher « commencher ». à dire :

« Quay ! serons nous long temps en chu « su ». martyre « martire ». ?

Presque men cœur en est sans mouvement,

Et n’eust « n’eus ». jamais une telle vezarde,

Que quand y veit se braver dans Roüen « Quand j’apperchez en la ville de Rouen ».

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez par la garde. »


Chez propos dits, via la grosse Marie

Qui en derenglet coume « derengle comme ». des Bourguignons,

Que no devret jetter en la varie « riviere ».

Tous chez gens là qui emple leur vessie

A nos despens, et font des compagnons.

Tel n’avet pas chinq sols « sol ». en sa tirlyre

Qu’ore no vaid que tout checun l’admire,

Lors qui condit sa troupe bravement,

Pour « Por ». se morguer avec sa hallebarde ;

Ainchin no « o ». veid sans ocun detriment « destriment ».

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez par la garde.


Quand no « on ». verra mettre hors la Turie

Chez z’Espagnols avalleux de poumons,

Lesquels avez nos courrez encherie,

No congnoistra alors sans raillerie

Chez Halbardiez « Hallebardiez ». plus plats que morpions.

Où chependant ils se gossent de rire,

Lorsqu’un Bourgeois se lamente et soupire

Dessous le fais « Dessouz le faix ». d’un ennuyeux tourment ;

Car, pour « por ». aver souvent telle ergarrade,

Soudain il donne au dietre incontinent

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez « Halbadiers angraissais ». par la garde.


Jusques o plats, fourmes, tables, ou buye « tables et scie ».,

Tout est ramé en nos povres maisons.

Quand ce serait une gendarmerie « gendermerie ».

Des ennemis, ah ! je le « ha je vous ». certifie,

Qu’ils ne ferest pire que ces mions « serets pirent que chez poltrons »..

Pour may, je crais « cray ». qu’à tant de validire,

Un million ne leur seret « seroit ». suffire,

Et n’en erest pour leu rincher la dent ;

Dans ptiot de temps y l’eront « ils eront ». des nazarde,

Et no verra aller à Claquedent

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez « engraissais ». par la garde.


Un chavetier qui n'éra en sa vie

Sorty Roüen, ou bourgs des environs « ou en chez environs ».,

Remply d’orgueil « Trop orgueilleux »., voudra par sa folie « follie ».

Pour s’agrandir « s’ennoublir ». prendre une compagnie,

Coume s’il eust veu mille bataillons.

Mais quand le Roy éra « quan le Roy ira ». souz se n’empire

Assujetty « Assujecty »., coume caqu’un desire,

Nos ennemis sous sen commandement,

Leu mine alors ne sera si gaillarde,

En remerquant avec abbaissement

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez par la garde.

Envay

Prinche benin, ne vueillez interdire

Che que ma Muse o jourdy veut descrire ;

Elle ne veut blamer ocunement,

Mais su Baccu elle fit ste Ballade.

Vueille le Ciel denicher vistement

Les Halbardiez « Hallebardiez ». engraissez par la garde.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 133-135.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique