Ste missive set fiquée entre les pattes de men coquin de fieux


David Ferrand

Éléments contextuels

1647

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Ste missive set

Fiquée entre les pattes de men coquin de fieux, Escolier Logecien à su Colliaige qui joinct le driere des grands murs Sainct Oüen à ste petite ruellette qui monte à chez rampars de Biauvaisine.

De port chinq deniais.

Grand coquin, grand fripon, grand garnement, gros blitre,

Indigne fieux d’aver dedans men ventre estay,

Y faut bien que tu sais à note sang un tritre

D’aver fait tout chenla qu’o no mande de tay.


Qui penseret qu’un fieux d’une si bone mere

Fache de z’actions si remplies de mal,

Et que pareillement un si honneste pere

Aye sans y songer fait un si gros cheval ?


Helas via grand pitié que depis te n’enfance

Tu ne no z’as donnay jamais que de l’ennuit ;

Ossi je me souviens du poinct de ta naissance,

Que che fut justement o milieu de la nuict.


Je pensions, t’enveyant à Roüen o Coliaige,

Que tu serais un jour un docte Bachelier :

Mais helas tu n'es rien qu’un escolier de neige,

Qui deviendras putost queuque gros bastelier.


Je m’en vois te mander pour mener la caruë,

J’avon ten pere et may su vouler arrestay ;

Ossi bien, comme o dit, tu laboure la ruë

D’une broque de fer que tu as à ten costay.


Est-che là le mestier que no fait o Colliaige ?

Te n’espée est ten livre ; ont-ille queuque accort ?

Est-che quand tu ne peux luisant sortir d’un piaige,

Que tu crays de ta dague en estre le pu fort ?


Te n’oste no mandit par te n’oncle Gringore

Que tu ly fais toujou queuque niche à l’hostel,

Et que, derrainement, aveuc te n’escritore

Tu ly voulus casser tout le povre musel.


De plus que tu voulus faire bien autre chose ;

Car, cajolant sa femme opres sen queminel,

Tu pensais bien ly faire une metamorphose

En le rendant semblable à nostre grand torel.


Tu n’es brin ensagy d’estre en Philocorphie,

Tu erais bien besoin oncor d’un correcteur,

Tant ta grosse caboche est pleine de folie ;

Note asne, tel qu’il est, paret pu grand docteur.


Tu vas et viens par tout comme une giroüette ;

Mais su povre animal va comme o le condit ;

Si no li dit : oët, aussi tost il s’arreste ;

Mais pour tay no ne peut arrester te n’esprit.


Si tu fais ojourdy ten dever à l’escole

En paressant ainchin coume un brave escolier,

Demain tu changeras de quartier et de roole,

Gardant ce z’Espagnols, ainchin coume un guerrier.


Tu deviendras un jour pu noble que ten pere,

Car no no z’a mandé que dedans te n’escrit

Tu n’y fais point jamais que des portes cochere,

Afin d’y passer mieux te n’ignorant esprit.


Je cray pareillement que toutes ches fenestre

Qui sont dans te z’écrits en grande quantitay,

Te les rende beaucoup « beacoup ». pu fachile à connestre,

Et tu crais en oster par là l’obscuritay.


Tu pense devenir, comme dit la quemune,

En faisant su mestier queuque astrologue expert,

Car tu fais bien souvent de z’esclipses de lune ;

Ch’est donc o te n’esprit s’alambique et se pert.


Tu n’osrais desclanquer une seule parole,

Car tous ches ptits garchons t’ont desja rendu reux ;

No ne fait point d’estat de tay dans te n’escole,

Et, quay que tu sais grand, no t’appelle un foureux.


A prepos de foureux, l’y a bien de la risée.

Quay ! tu quie à tes cauche, ainchin que ce z’enfans.

Il te faut donc comme eux une quaire perchée

Et une queuë o cul à l’aage de vingt ans.


Tu laschis tout aller o mitan de ta classe ;

Chela coulet si dru tout aval de tes brais

Que, craignant d’encourir du Regent la disgrace,

Tu mis ta main dessus et saffrannis tes dais.


Mais che fut là le hen que st’essence merdique,

Dont l’odeur trop subtile hapet le sentiment,

Enbaufumit partout aussi tost ste Logique

Et fit qu’o z’en donnit su tay le chuchement.


No t’envaye ossi tost su le pont t’à Brenaude ;

No fit à ta faveur un couple de sonnets

Oquels no te lavit, mais je dis à l’iau caude ;

Apres chela tes brais estest-ils pas bien nets ?


No te monstret o day, no t’appellet quiencauche,

No z’allongnit oncor ten grand nez d’elephant

Je m’assure qu’il est asteur pu que de gauge,

Et qu’il pourret aver un milleur fièrement.


Que ne pensais-tu bien à tay dedans st’afaire !

Checun dedans Roüen te fait deux piais de nais ;

Tu vayais bien chela, car la matiere est claire,

Et par là tu n’es rien estimay qu’un quienbrais.


Oncor che fut ylà o ch’est qu’o z’ergumente,

Là, dy-je, o no z’agit aveuq resonnement ;

La dispute su tay fut amplement fumante,

Car checun su su cas diset sen sentiment.


Su fumet vint-il point à ten nais de trompette ?

Quay n’en sentis-tu pas la penetrante ondeur ?

Et n’aperchus-tu point lascher te n’esguillette,

Quand de su faguenas se deschergit ten cœur ?


Ayant tout deschergé o mitan de la plache,

Tu sonnis la retraitte aveuc deux ou trois pets ;

Y n’y en eut pas un qui ne te fit la cache,

Et qui dedans su cas ne vint mettre le nez.


Tu tesmoignis par là l’excez de ta bestise

Et que ten gros esprit ne peut rien retenir ;

Tu n’avais qu’à boucher ten cul de ta quemise

Pis que ten nais ne pût pour st’affaire servir.


O fais de z’ergumens via bien de la matière ;

Ne t’en proposit bien (je crais) en Brocardo,

Tu eusses bien voulu su Celares en faire,

Mais tu ne l’osis pas, nen pu qu’en Ferio.


No dit que ten vesin, qui s’appelle Phelippe,

T’en fit en Barbara, pour se moquer de tay ;

Mais il se tût, craignant du Bara su ses lipes,

Qu’en Dare Festino tu ne l’usse epoustay.


Rien oncor pour su cas, che fut une surprise ;

Il faut qu’en tous endraits la nature ait sen cours ;

Ch’est à faire à laver le bas de ta quemise,

Mais pourtant ne fais pas su mestier tous les jours.


Un autre point retient me n’esprit en misere,

Et fait que tous les nuits je n’ay brin de repos :

Ch’est qu’o dit que tu fais l’escole byssonniere,

Et que tu vas o lieu garder ce z’Espagnols.


Penses-tu devenir par là grand personnage ?

Dis may, ne veux-tu point faire d’autre mestier ?

Si tu ayme à siffler ches gros oyseaus en cage,

Va te faire apprenty su queuque chavetier.


Tu gagne des roupis, estant en sentinelle,

Et tu te lasse trop d’estre tourjou su piay ;

A l’autre o z’est assis à cheval su la selle,

L’alesne dans la main, la botte à l’estriay.


Queu plaisir de souffler prés d’un bout de candelle,

Et mettre tout vivant à la biere sen corps.

Ch’est biaucoup pu d’honneur de modre une sumelle,

Et de laisser o terc st’invention o morts.


Je t’usse fait venir o neuches de ten frere,

Y là tu eusse estay le prumier des garchons ;

Mais estant un foureux, ch’eust estay la misere

De te vair harier le cul par nos cochons.


Pis d’un autre costay je pensis o demmage

Que font à nos quartiers ces diantres de renarts,

Car tu usses grippay les poules du village,

Ayant ainchy hantay parmy tant de soudars.


Ne pense pas venir ichitte ste ferie ;

Je t’envaye endelieu un demy car d’escu ;

Et, qui pus est, coquin, ne m’escris de ta vie,

Tes lettres serviroint de moucheux à men cu.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXIII. (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1647, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 146-152.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique