Y n’est pas mort qui combat dans le monde
David Ferrand
Éléments contextuels
1648
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Ce petit ouvrage est un grand miroir où l’on peut voir toutes les actions du temps
present
Cant rial « ryal ».
Pere Betren, je sieux en resverie :
La Povreté tien queu nou « neu ». se z’apiaux ;
Elle a tousjou queuque clians nouviaux
Qui me voulant gonfler de fascherie
Veulent aver leu droits seigneuriaux.
Y l’y a quanzans que no pouvet bien dire :
Le temps va mal, Dieu nous garde d’un pire ;
Je ne savon si j’en somme o milieu.
— Vezin Gervais, contre le temps ne gronde ; « Je ne savon […] ne gronde. » : vers parfois omis.
Et tay et may ayons esper en Dieu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
Men bon amy, y faut que je te die
Que je naisson coume « comme ». le z’animaux ;
Je n’emporton « n’enporton ». que les biens et les maux ;
Mais semble à vair qu’un chequ’un « que chequn ». s’estudie
A n’amasser que des biens par mouchiaux.
L’homme orgueilleux rien qu’o grandeurs ne tire,
Foule le povre, et ne crait qu’en son ire
Fortune tourne, et sur cét essieu
Malheureux est qui se n’esper y fonde ;
La patienche « patience ». est un fort espieu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
Le peu de gain, aveuq la maladie,
A l’artizan ont donné maints assaux,
Car n’ayant point « poin ». debit de ses travaux
A la maitié « metié ». offre (ou putost « plustost ». mandie)
O regrattiers « regratiez ». qui poyent à leu taux.
Les pu hupais « hupez ». qu’o vait illoq reluire,
Pour l’acabler « accabler »., y tachent de ly nuire ;
Y vont poyant les marchands d’un adieu,
Pendant qu’o povre un sergeant faict « fait ». sa ronde,
Qui tourmenté s’escrie avec son peu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
L’y en a biaucoup qui sont de notte hie
Qu’erest desja gaigné « gagné ». les gigotiaux,
Si pour leu dette on leu avet fait miaux
De leur boutique, oncor que bien guernie
Leu tafetas tumberet par lambiaux.
Quand y convient « convien ». mettre en sa tirelire
Le peu de gain, qui ne peut « neu ». pas suffire
Au pain, boisson, en loüage et en feu,
Et qu’une femme est en « aux ». enfans feconde,
Mal aysément on peut dire en tel jeu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
L’asne du siecle est de malheur sieuvie,
J’entens le povre, à qui tous les fardiaux
Sont su sen dos, tesmoins sont les Buriaux,
Dont malgré elle y convient qu’elle plie,
Et qu’elle tombe enfin sur les naziaux.
Ceux qui ont o mains la bride à la conduire,
La vayant bas, y ne s’en font que rire,
Y sont dessus sans selle et estrieu ;
A ses hens, hens, aucun ne la seconde.
Mais brizon là, par la morzenne et bieu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
Envay
O Tout puissant, chacun de nous te prie
Ne nous punir selon tous nos deffaux ;
Tu as voulu nous donner deux fliaux « fleaux ». :
La guerre oncor nous monstre sa furie,
La peste a mis nos amis o tombiaux « tombeaux »..
Roüen t’invoque, et à present n’aspire
Rien qu’une paix (comme dedans l’Empire).
Donne là nous en ce terrestre lieu ;
Cela depend de ta bonté profonde.
Fay nous chanter, accordant nostre vœu :
Y n’est pas mort qui combat dans le monde.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXV. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant une diversité d’ouvrages sur les affaires du temps, 1648, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 157-159.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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