Lettre de la bonne femme Jaqueline
David Ferrand
Éléments contextuels
1627
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Lettre de la bonne femme Jaqueline à sen fieux Robert « à sen fieux Robert » manque parfois. touchant les grands vents qu’il a faict ceste année.
La missive sait donnée à men fieux, men fieux Robert demeurant à su Pontaritaine,
queu un chavetier nommé Ambroise Cette phrase manque parfois..
Stanches
Robert, je t’ieucrivons « eucrivons »., ch’est pour no yeuxcuser
De n’avair t’esté vair comme avait dit ten pere.
J’avons z’u « J’avons xu ». du depis bien à no delouser
Des vents qui ont tout ruiné ste semaine derniere.
Las ! men povre fieux, tu verras tout cangay,
Quand tu no viendras vair à ses prechaines « prechaine ». festes.
Le curé, qu’est bien vieux, dit, depis qu’il est nay,
Qui n’a point oncor veu une tieulle tempeste.
Su grand vent decaumit la cambre o je couchons ;
Y-l’a tout abbatu l’estable à notte vaque,
Su petit appenty où estait nos cochons,
Notte petit fouret où parfais tu te plaque.
No ne vayait pu brin quand su mal arrivit ;
De malur je n’avions ny graisset, ny candelle ;
Tout épapelourdy ten pere se levit,
Qui en allit emprunter queu te n’ante Noüelle.
Y venait la muchant o fond de sen capel,
De pur de la souffler durant su tintamarre,
Mais y se laissit quair dedans un grand putel,
Que la plye avet faict o bout de notte barre.
Je courus l’oyant braire ossi tost qui fust qu ;
Te n’ante y vint étout aveu d’autre candelle.
Je trouvons su povre homme estallé su le cu,
Qui avet desja de l’iau juque « jusques ». dessouz « dessous ». l’esselle.
Etant débrenaiqué et quasi comme fos,
Je cherchon nos cochons effritez « efritez ». par st’orage.
Apprechant j’avison ces chinq povres « povre ». petiots,
Qui grelotaist « grelottayst ». de pur o coing de leu estage « leur estage ».
Mais y se portent bien ; n’y a que le pu petit,
A qui j’avons clinché la gambe qui baloque.
Mais que tu sais venu, si n’a bon appetit,
Je le mettron pour tay o travers notte broque.
Et qui pirs, notte vaque estait de sen costé
Toute platte abbatuë o mitan de l’estable.
De l’enhen qu’a recheut a l’en a avorté,
Et ch’est chen qui no z’est « no est ». oncor « encor ». pu coutiable.
J’avons dans « dedans ». notte clos six gros arbre « arbres ». abbatus,
Et notte grand perier a z’u de belles breques.
Pour ten meslier du coin, tu ne le verras pus ;
Tu pouvais bien anten en manger des pu bleques « bleque »..
Le tounierre et le vent a ossite esclatté
St’ourme qu’est o carfour de ta cousine Jane ;
Le moulin à Monsieur est tout rez emporté,
Et depis no n’a veu « on n’a veu ». le monnier « ny monnier ». ny se n’asne.
L’y a bien pu de « Lya bien d’autre ». malur que je ne t’escrivon,
Mais je ne gremisson seulement que du nostre.
Men fieux, pour te garder le reste que j’avon,
Il te faut tous les sairs dire ta patenostre.
Va ; je songeon « je soignon ». pour tay, encor que tu n’y sais.
Ten pere t’a promis donner à z’eriviere
Un biau capel tout gris, une paire de brais,
Et un parpoint tout neuf ouvert par le derriere.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Troisiesme partie de la Muse normande, Contenant les œuvres iovialles qui ont esté présentées cette année aux Palinots, 1627, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 60-63.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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