D’un vieux batel une belle galere


David Ferrand

Éléments contextuels

1648

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Calentibus, et his qui nihil habent facere quam se pormenure tetibus diois.

Cant ryal

Racalfeutrez vos rabots et cisiaus,

Doleux de bois de la punaiserie,

Et vous aussi chandoreux de potiaus,

Peintres fameux dans la barboüillerie,

Venez ichite exercer vos pinciaus.

Si vo z’avaiz affaire de peinture,

Robec en a de toute fourniture ;

Se n’iau vo peut mille couleurs offrir.

Tous nos gruiaux, o bord de ste riviere

Vo vont ayder maintenant à bastir

D’un vieux batel une belle galere.


Vayant st’engin, su grand maistre Renaut

En demeurit l’ame toute espaumie.

Quay no dierret d’un Argos d’un plain saut,

Hormis qu’a n’a nulle troupe ennemie

Comme on vayait dans le z’autres vaisseaux.

Estant antique a l’est faite à l’injure

Du temps, des flots, des vents, de la fredure ;

L’antiquitay l’exempte de périr ;

L’iau seullement l’honore et la revere ;

Qu’a se recourbe alors qu’a sent venir

D’un vieux batel une belle galere.


S’a l’est ainchin qu’o vait, quand no z’est sas « saux ».,

Reslée en vert par fais une bougie,

Ch’est pour couvrir la mangeure des ras

Qui, s’y estant acquis la bourgeoisie,

S’y murailloint pour la guerre des cas.

Auparavant ste nouvelle structure « structulle ».

No la laisset dedans la pourriture,

Ne pouvant pas incessamment servir.

A l’avet fait sen temps en cabotiere ;

Il falet bien en faire revenir

D’un vieux batel une belle galere.


Mais pour venir au dessain des gruyaux,

Il faiset biau les vair sans raillerie,

Estant pendus en l’air comme estourniaux,

Et tout ainchin qu’un bœuf dans la prerie

Tumber à plomb sur la plaine de z’iaux.

De vrais Tritons ilz avest la posture

Et leurs z’abits qui couvroient leu charnure

Aveu leu toque aidoient bien à couvrir

Chan qu’o z’eust pu juger dessu st’affaire ;

Mais l’œil grossier n’aymet qu’à vair couvrir

D’un vieux batel une belle galere.


Su Maistre Isaac fourny de grand nasiaux

Les maudisset aveuq grande furie,

Car il vayet chandorer ses houziaux

D’un foureux Gange, outre la senturie

Que rendet l’or qui montre par mouchiaux.

J’y remerquis une triste avanture

D’un qui perdit sa bourse de nature,

Qu’o ly coupit, au lieu d’une de cuir.

Le sien qui fit un coup si temeraire,

Meritet bien qu’o l’envayt servir

D’un vieux batel une belle galere.

Envay

Prinche, queu vou j’en montre la figure,

Soit qu’un biau plat je depesche et je cure,

Soit que je vide un verre à men plaisir,

Soit qu’un pastay je creuse ; enfin j’espere

Representer, affin de bien finir,

D’un vieux batel une belle galere.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXV. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant une diversité d’ouvrages sur les affaires du temps, 1648, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 159-162.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique