Le Chabrenaux degradey de l’alesne
David Ferrand
Éléments contextuels
1648
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal
Extret des Registres du corps d’estat, où par arrest de la communauté chabrenautique,
parties ouyes sur leurs merdifiques raisons, Guillot Gallemelle, maistre dudit corps
d’estat, a esté degradey de la chavatte, pour aver impudamment fait K. K. au musel
de Messieurs pendant l’assemblaye generalle et le festin planier, signé Cudebray et
pu bas Rinchepot, checun un pariaphle, et collationné à l’original en maroquin.
O court chu peuple, o son de la trompette ?
Qui s’amouchelle ainchin en ces quartiez ?
Je crais pour may qu’ils viennent volentiers
Pour chacouter la nouvelle Gasette
Que les luisards prosnent dans leu papiés.
Qu’est qui cognet le fieux à Galumelle,
Chu mestre en l’art à racoutrer sumelle,
Qui autrefais cheu les nobles ayeux
Des fieux Naudins frotit sen nez de coüenne ?
Ch’est ly qui est, par arrest de Messieux,
Le Chabrenaux degradey de l’alesne.
Une assemblaye orains estet complette
Du corps d’estat, là où estait fiqués
Chabres, vrelus, nobles et roturiés,
Pour decider une affere segrette
Qui concernet l’estat des chavetiés.
Là se trouvit tout le corps pelle melle
Et des mouqueux toute la parentelle,
Pour le mains chent à conter jeune et vieux.
Illoque vint chu biau bailleur de vesne,
Et d’où sera cachey comme un guilleux
Le Chabrenaux degradey de l’alesne.
Tout ossitot que l’affere fut fette,
No preparit un banquet tout yeuxprés,
Les pu vieudage estais sis des prumiés,
Deux piés de beuf a checun su l’assiette,
Avec du lard dont ils frotest leu nés.
Ils vo draglest de ste bechon nouvelle,
Qui leu feset raconter des pu belle,
Et s’en donnest jusque par su les yeux.
Tou des prumiés chu biau guilleux s’engrène ;
Ch’est chen qui fit qui monstrit sen mireux
Le Chabrenaux degradey de l’alesne.
Ayant ainchin du jus dans sa canette,
Et se veyant le cul pressay de prés,
Et ne pouvant rompre se n’eguillette,
Comme un roussin tantot il vesse et pette,
Et pis enfin fit K. K. dans ses brez.
Checun alors estet en sentinelle,
Chuchant le goust d’une bechon aintelle.
S’il n'est pas vray, demandez o mouqueux,
Car il vit tout, et but à tasse pleine,
Quand il jugit qu’on fit de su foureux
Le Chabrenaux degradey de l’alesne.
Du corps d’estat l’assemblaye est refette
Tout de nouviau pour juger du punais.
Tous les status sont lors examinais,
O no ne vit chose si mal honneste
Depis le jour du foüet de la Mivais.
Betren conclut : « Quay ! pour une allumelle
Si no bannit le fieux de Galumelle,
Et si Cardin, estant prins prés d’Evreux,
Pour un cochon eust une bonne estrene,
Je juge ainchin qu’on dait banir, Messieurs,
Le Chabrenaux degradey de l’alesne.
Envay
Venez ichy, enfans de la sumelle,
Pour vair juger le fieux de Galumelle ;
Le Prinche en a donné l’authorité.
Depeschez donc ; qui l’en souffre la peine,
Ou bien qu’il sait par la communauté
Le Chabrenaux degradey de l'alesne.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La XXV. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant une diversité d’ouvrages sur les affaires du temps, 1648, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 162-164.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
–
Commentaire linguistique
–