Esmotion parisienne. Stances


Valete

Éléments contextuels

1648

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Lettre de consequence du fieux Ytace enveyée à sen Pere, su les affere qui se sont passées à sa propre veuë et sceuë, estudiant o Colliege « Colliaige ». de l’Université de Paris.

Esmotion parisienne Titre parfois omis.

Stances « Stance ». Mot parfois omis.

Salue, Pater, Mater, et toute la genée,

Fratres et sorores, parentes, amicos,

Les benefactores, à la fin de l'année,

Vadam et adibo « adhibo »., pour macquer « marquer ». les migos.


Car nolo manere en ce lieu domestique,

Proque tumultibus, que no veit tous les jours,

Multum me timeo, à la fleur de men « mon ». aage ;

Puis malo mittere « Puits mala timere ». o brelinquet men cours.


Lors que videtur les tailles abbatuës,

Querit lætitiam par tout les paysans,

De thematis mei j’en feray la reveuë,

Brevi adipiscar le cours des plus sçavans.


Vo n’entendez chez mots, mais prenez patienche ;

Le Curé vo dierra le tout queuque matin.

Ch’est un eschantillon de ma haute chienche ;

Tout che que je bais et mange est changé en latin.


Mais afin qu’ou pissiez « pussiez ». au sortir de sa messe,

Estre escouté choux « sous ». l’orme, outre ce que j’escris,

O langage quemun ste missive j’addreche,

Afin qu’o siez ouy de tous cheux du pays.


Le Tedium no chante o gain d’une bataille « battaille ».,

Ainchin « Ainchi ». qu’o fait en Franche et en tous autres lieux ;

Je jugis à may mesme, y convient que j’y aille,

Car de vais chen qu’o feit je fus tres crevieux De « Je jugis » à « tres crevieux » : deux vers parfois transposés..


Je vis à Nostre Dame une gendarmerie,

Autre (à che qu’on dit) « (à che que contit) ». qu’on n’avet veu jamais,

Qu’en print un o colet de plein equilbourdie « equillebourdie ».,

Qu’on dit qui avet parlé de traiter une paix.


Je ne vo dierray point ichy comme s’appelle

Su vieux Nestor du temps qu’o connet par le nom ;

Alors que Leopold « Leopol ». aura perdu Bruxelle,

Tout le monde o pu pres connestra bien sen nom.


Je m’eslugez de vair « veir ». tieulle terreur panique

Pour stila qui jamais n’en a desiré tant ;

Je le loüais « loüez ». ainchi qu’astre de republique,

Mais je disez ossi : « Le « que le ». soleil est plus grand. »


Le brit en court par tout, et ainchy que s’assemble « sensemble ».

Au son du cauderon « caudoron ». l’eschein des mouquerons « moucherons ».,

Deux o trois mille gens se trouverent « trouvere ». ensemble,

Disant à leu patois : « Par bieu, je le verrons. »


Comme dedans l’hyver, dans la cour du Colliege,

Les petits escoliers roulent par passe-temps

Queuque petit balon qui se grossit de neige,

Leu troupe ainchy s’enflit, mais en bien peu de temps.


Les plus grandes maisons s’en trouverent esmuës ;

De su brit impourveu chequn fut estourdy ;

Les quaines o carfours furent bien tost tenduës,

Et may comme je fus bien épapelourdy « epapeloudy ».,


Crevieux de gitter au lieu de ma retraitte,

En veyant desgrader par checun ses carrias « carriaux ».,

Je passis o travers fusil et escopette,

Là où j’allais de peur reninflant des nasias « nasiaux »..


Je me sauve o destours de la chavaterie,

Où messieurs les vrelus aveuque leu tire-pieds « tires pieds ».

Fournirent en leurs corps une gendermerie ;

No z’u dit « sudit ». de lapins sortis « sortir ». de leu tesniers.


Ce ne sont que nigauts « nigats ». les siens de cette ville

O prix de tels docteurs, ils ont « on ». l’esprit pu fin ;

Ossi leur nourriture est beaucoup plus subtille ;

Ceux-chy s’enflent de biere, et ceux-là de bon vin.


Y n’arrestez pas tous ceux qui n’avest « arestez pas tout ceux qui n’avoient ». point d’armes,

Mais ch’estet « chy estet ». neantmains par supplications « suplication »..

E[t] may qui sait que ch’est d’un homme sous le z’armes « le sarmes ».,

Dieu sçait si j’oubliais « sçay si joubliez ». mes salutations.


Mais pensiez-vous ossi qui voizent par la ruë

Crier des vieux souliez, ainchin que ceux-chy font ?

Est-ce devant un huys faisant le pied de gruë ?

Nennin, à leu z’estal « estat ». bien d’autre honneur y l’ont.


Si queuqu’un aveuq eux traite de marchandise,

Y leu convient porter jusque su leu estal « estat ».,

Et si veyent « veyant ». à l’œil qu’a n’est point à leu guise,

Y n’en leveront pas leu cul remply de cal.


Mais je m’amuse ichy sans vair dans leu retraittes

Ceux qui font le mestier de ces gens circoncis.

Dans leu halle y criest : « Saillez, saillez, mouquettes,

Y l’est ichy « chy ». question du salut du païs « pays ».. »


Ch’etet un grand plaisir de les vair pesle-mesle,

Comme y se remuest tretous à leu harnois ;

L’un prend se n’épieu, l’autre se n’alumelle,

L’autre contre les grez court batre d’un piquois.


Y se baricadest tretous dedans leu ruës,

Car pour y parvenir chequ’un portet du sien.

Ces Pigmées pensest aller comme des gruës,

Car y criest : Erme, erme, et si ne veyest rien.


Che n’étet rien o prix de vair les pessonnieres ;

Chequ’une o baricade apportet sen baquet ;

Y n’avest pas alors souz le cul leu quaudieres ;

No n’eust ouy Dieu tonner aveuq tout leu caquet.


Les poings su le costey, rouges et furlufées :

« Mercy Dieu, disest-t’y, y no faut en bref mots,

Que les daces « dates ». du temps demeurent estoufées ;

J’avon par trop souffert souz le faiz de z’imposts.


Si je tenions ceux-là qui font les monopoles,

Et que no le z’eut mis chite à notte pouver,

Je n’erions pas pitié de leu froides cagnolles,

Je les lapiderions de nos pots à couver. »


Vers le Pont-neuf j’allis pour oüir « ouy ». queuque nouvelle.

Che fut la où j’apprins bien une « japrins bien un ». autre lichon ;

No z’entendit sifler, vers ste porte de Nelle « porte Nelle ».,

Des prunes qui estest autres que gravachon.


Y l’y eust un lifrelof qu’étet le capitaine

De ceux-là qui ont leu brais taillées par lambiaux,

Qui d’un coup de mousquet quut gambelaridaine ;

Stila qui le tirit gaignit les gigotiaux.


Les gruriaux d’autre part, le long de la riviere,

Commenchent « Commencheur ». à su brit ensemble à s’escauffer,

Car ceux-là qui n’avest o costé la rapiere

Se servest de leviers et de grands croqs de fer.


Y l’y avet aveuqu’eux chinq chens anges de Greve,

Qui pour les supporter s’y trouverent rangez,

Gens qui ne demandest alors ny paix ny treve ;

No z’eut dit les vayant qui l’estest enragez.


L’y en eust un bazourdy par un chef de nos guerres,

Pensant à ses matins faire le qui va là ;

Chela leu fit jetter si grand nombre de pierres,

Que, n’en voulant ma part, je les quittis tous là.


No z’eut dit que Paris, durant tous ses fredaines,

Estet une espousée aveuq ses biaux atours ;

Jamais n’avet esté si chergée de quaines ;

No ly en donne oncor « encor ». derechef tous les jours.


Mais dites may un ptiot, n’estet-che pas folie,

Pire qu’o z’en ayt luyt jamais dans Eutrapel,

Que par tout dans Paris no fust une grande hie

Qu’o n’eust ozé sortir sans feurre à sen capel Stance parfois manquante. ?


Les Dames le portest en veuë à leur cheinture,

La Demoiselle en teste aveuq se z’affiquets.

Bref, fust-ce riche o povre, ocune criature

Ne sortet du logis sans porter tieux bouquets Stance parfois manquante..


Deux bons Religieux mesprisant tieulle paille,

Ceux-là qui sont vestus coume grands gens en deüil,

Furent pres qu’affrontez par certaine canaille,

Parche qui le fesest (disest-t’y) par orgueil Stance parfois manquante..


Sa navire flotet durant tou se z’orages

Sus les flots du quemun sans esper d’un bort,

Mais mogré tous les vents de leur cruels langages « langage ».,

Sen pilote prudent en resta le plus fort.


Cet orage cessit lors que no vit paroistre,

Dessu st’orizon là, non « st’orizon, non ». Castor et Pollux,

Mais bien stilla qui avet queux elle print se n’estre ;

Sa presence appaisit tous les pu résolus.


Vla chen qui s’est passey ; Dieu vueille par sa grace

Que je ne pissions « puissions ». vair jamais aintieux yeuxploits !

Ch’est un terrible brit que d’une populace.

Adieu, je m’en « man ». iray queu vou faire les Roüyois.

Valete Signature parfois omise..

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXV. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant une diversité d’ouvrages sur les affaires du temps, 1648, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 169-175.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique