Stanches


David Ferrand

Éléments contextuels

1648

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cardin a drechay chette enblesme,

Comme il estet bon escolier,

Le cul assis su sen panier

Au lieu de composer sen tiesme.

Stanches

Ainchin comme j’estais dans les chambres Amelinne

Mes cauches avallez, pour faire man paquet,

J’entendis le gergon d’Alizon et Cardine,

Qui plantais su le cu faisoient bien du caquet.


En babillant ainchin Alison vint à dire :

« As tu loque entendu chan qu’o dit à Roüen ?

Chez causeux du Palais ont bien sujet de rire,

Pis que le z’Espagnols sont ainchy caudement.


« N'as tu point ouy paler de chette grand deffaite

De qui le z’escapins en sont espouventez ?

L’archiduc a perdu l’argent de sa pouquette ;

Sen bagage estant prins, il fuit de tous costez.


— Alizon, ne vas pu callinner en cuisinne ;

La Flandre est à nos gris, Lamboy a su ses dois,

Et l’Archiliopol en despit de sa minne

Va no lesser aller tout le pays d’Artois.


— Conte may donc quement s’est fait su grand bihistre,

Où chez mangeux d’ognons se sont amaloquez,

Depis qu’ils ont quittay les forteresses d’Ypre

Au mains de nos soudars qui s’en sont bien moquez.


— Ils estoint à mouchel dedans une campagne,

En pensant envayer les nos gambes dremonts,

Et pour le z’atrapper et mener en Espagne,

Pour leu faire manger de z’aux et de z’ognons.


« Ils furent bien trompez en venant à grand erre,

Car no leu z’a baillay un coup de horrion,

Et note grand Monsieur en a bien mis par terre,

Et le z’autre il le z’a mis dans notte prison.


« No les hague par tout, no deschire leus cauches,

No traisne leu z’abits, no happe leu mantel ;

Ayant estay battus et y à dret et y à gauche,

Ils ne mangeront pu de potage à l’hostel.


« Ne le z’as tu point veus ? dis le may, je te prie.

Pres les chambres à quier ils sont emprisonnez.

No les vait par des trous qui sont à ste turie,

Bien miteux d’estre prins, ches povres basannez.


« J’entendis l’autre jour que dix de chez quenailles,

Tandis que tay et may je vidions le godet,

Sortirent par un trou qu’ils firent aux murailles,

Pour prendre le chemin par le haut du gibet.


« Mais le matin venu qu’on portet la marmite,

Pour leu donner dla souppe à leu gresser le nez,

Le trouppel qui restet faisoit la catemitte,

Dont tous nos corporias furent bien estonnez.


« Aussi tost à cheval caqu’un prent la masette,

Coustel et pistolet, botes et esperon,

Et proche d’Andely no sçeut que leu retraitte

Estait (à chan qu’o dit) du costay de Vernon.


« No les haspe au collet aussi tost et les traisne,

Nou les fait cheminner promptement deux à deux ;

Puis, estant arrivez et sans reprendre halaine,

No les fit recacher dedans leu premier creux.


« Ils sont là chez larrons qui prenoint la moruë,

Chez pilleux de bastias, les vela dans Roüen,

O toutz ches alterés qui sont à ste Cohuë,

Se moqueront bien d’eux en maquant du haran.


Ch’ez assez devisay ; as tu fait, ma commère ?

J’en paleron bien mieux ; allomment, il est tart ;

Devant un bon fagot allons baire dla biere,

Mangeant un cœur de bœuf et un quignon de lart. »


Ainchy Cardin, assis avec fort bone grace,

San cul su san panier, d’escrire leurs devis ;

Mais comme il pretendoit de s’en aller en classe,

Il vit le z’escholiais qu’estoint tretous sortis.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La XXV. partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant une diversité d’ouvrages sur les affaires du temps, 1648, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 175-178.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique