Le Chrestien franc de la rage ottomane


David Ferrand

Éléments contextuels

1650

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Tiré de la Gazette

Pere Betran, de pur de frenaisie

Je viens passer ichy ma fantasie.

Raconte may, tay qui est crevieux

Fiquer ten naiz à tout chen qu’o publie

Dont tout le monde en est assez joyeux.

— Vezin Fleuren, je ne crais pu personne,

Yoncor mains tout chen que no bourdonne ;

Si l’un dit vray, un autre vient qui ment.

Tout leu jergon est coume un coq à l’asne ;

Mais niomains je crais asseurement

Le Chrestien franc de la rage ottomane.


L’y a peu de temps que ste troupe ennemie

Vint assieger les ramparts de Candie,

La veut forcher, estimant furieux

Qu’au seul luquer de sa gendermerie

Y l’en seret bien tost victorieux.

Pour les sommer la trompette resonne

Et sen canon qui tonne les estonne.

Leu esperance est en Dieu seulement

Comme à celuy qui tout secours émanne,

Et qui fit vair dans aintieul troublement

Le Chrestien franc de la rage ottomane.


Martinengo receut cette furie

Et lors ce fort cedde à leur baterie ;

Dedans ce lieu il entre ambitieux ;

Ses estandarts sur ces murs il deplie

Et en devient bien plus audacieux.

De cet effort chaque bourgeois frissonne

Et peu s’en faut qu'au Turc il n’abandonne

Cette cité qu’il traitte rudement,

La voulant rendre avec sa loy prophane

Et tourmenter à croire à l’Alcoran

Le Chrestien franc de la rage ottomane.


Pour s'opposer à son ardante envie

Maints Chevaliers de Malte en compagnie

Firent un gros pour dompter ce haineux ;

Mais les effets de leu z’artillerie

Fit avorter leu dessein valeureux.

Ne pouvant vaincre aux exploits de Bellonne,

Pour rabaisser leu audace felonne,

Ils ont recours aux foudres de Vulcan.

Creusant ce fort, la terre qui se plane

Les engloutit, faisant voir clairement

Le Chrestien franc de la rage ottomane.


Huit ou neuf mille y perdirent la vie ;

Subitement firent une sortie

Ces Chevaliers en guerre valeureux ;

Bien que ne fut égalle la partie

Forcent le Turc à fuir devant eux.

L’honneur de Dieu qui tousjours les talonne

Est le subjet qui plus les aiguillonne,

Tuent, saccagent, et valeureusement

Poursuivent lors cette race payenne,

Rendant ce jour, mais glorieusement

Le Chrestien franc de la rage ottomane.

Envay

Mere de Dieu, Vierge, je te supplie,

Excuse may, si dedans ma poësie

Je n’ay point peint ton Concept glorieux ;

Chantant ton fils, c’est ta gloire infinie,

Puisqu’il t’a fait Reyne dedans les Cieux.

Prince du Puy qui porte la couronne,

Ce beau sujet invite ta personne

Aux grands exploits qui t’occupent souvent.

Je feray fin à ma rime, j’enhanne ;

Un autre fais j’ecriray autrement

Le Chrestien franc de la rage ottomane.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingt-quatriesme (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres joviales qui ont esté presentées cette année o Palinots, 1650, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 189-191.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique