D’un grand prochez l’esperanche perduë


David Ferrand

Éléments contextuels

1627

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Comme j’estais o Fort dessu ste plaine,

Pendant ste plie à joüer o cochonnet,

Je vis de loing venir en pretentaine

Comme un soudart revenu d’Aquitaine,

Qui me vayant, me dit : « A tay, Pacquet !

Que fais tu lo à te crotter les patte ?

Tu serais mieux dans su Vau de la Gatte.

Ou à trinquer prez de ten queminel,

Car tu ne peux qu’ichy gagner la gruë.

Mais dit on point à Roüen de nouvel

D’un grand prochez l’esperanche perduë.


— Ha ! Dieu vous gard, Monsieu men Caquitraine,

Ce fis-je alors deffulant men bonnet,

Où estiez-vou ficqué l’autre semaine ?

Vou eussiez veu la grand eglise pleine

Du Canadais qui batiser s’est fait.

O ne vait point d’archives ny pancarte,

Qui no apprengne en leu antique datte

Qui l’o n’ait veu jamais un tieul troupel,

Car d’en vair tant j’en ay eu la berluë.

Mais conte may du fond iusqu’o coupel

D’un grand prochez l’esperanche perduë.


— Pacquet, men fieu, je n’ay assez d’haleine,

Pour l’yeuxpliquer ainchy comme y faudret ;

J’erais putost dreché le pont de Saine

Que je n’erais demeslé la chantaine

De chu prochez vidé o grand parquet.

Chez embracheux qui furez se courbatte

Pour se z’impots et ferme o y se natte

Sont les plaidoux, qui tretous à mouchel,

En desrenglant en court des coqsigruë,

Ont veu juger tou devant leu musel

D’un grand prochez l’esperanche perduë.


« Cez bedeaux là veulent vivre sans peine

Oncor qui sest venus comme un bluët.

Dessu le do y no touzaist la laine

Chy prez de z’os, qui n’y a nerf, ny vaine

Qui n’en devienne ainchy qu’un quesne sec.

Mais tout ainchy que ste grand masseplatte

Qu’est o canel o les pessons s’esbatte,

Y che verront tretous prins o burel.

Qui ne sait vray, ste fortune advenuë

Fait desja vair par un malur cruel

D’un grand prochez l’esperanche perduë.


« Adieu, piaffeux ! Votte poursieutte vaine

Ne vo fera fere du beurre net,

Car l’otre jour la grosse Madeleine

Grumelet bien des deniers du Domaine

Que vo aviez baillé sans tribuchet.

Comme bibet qui dedans l’air se batte,

Car on vo vait le nez pu blanc que matte,

Je pregnostique o creux de men chervel

Un flux de bourse, ou ruine incognuë,

Pi que l’on vait dans un grand escritel

D’un grand prochez l’esperanche perduë. »


Envay

Prinche, me vla o fin bout de ma carte.

De votte jus faut que la Muse tatte,

Et pis, ayant assequé le tonnel

De bon vin vieil, lors ma Muse esmeuë

Sçaura chanter, en beuvant le nouvel,

D’un grand prochez l’esperanche perduë.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Troisiesme partie de la Muse normande, Contenant les œuvres jovialles qui ont esté présentées cette année aux Palinots, 1627, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 63-65.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique