Les Reformez dépoüllez sur le sable
David Ferrand
Éléments contextuels
1650
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal
Ce fut hier, dans la bonne journée,
Lorsqu’il pleuvoit pendant la matinée,
Que des gaillards vindrent se retrouver
Hors de Roüen par delà Saint Sever,
Pour se parer du froid de cette année :
Où par mal-heur, de pauvres innocens
Qui vont par là presenter leurs encens,
Sont le subjet d’un acte deplorable,
Car sans respect de leur devotion,
L’on apperceut plains de confusion
Les Reformez dépoüillez sur le sable.
Doibvent-ils pas blasmer la destinée,
Qui, se montrant à leur perte obstinée,
Leur fit ainsi tel rencontre trouver ?
Car nonobstant les injures de l'air,
Leur cape fut du chemin détournée.
« Quoy, dirent-ils, estes vous hors de sens
De detrousser ainsi de bonnes gens ?
Ne faictes pas ce coup abominable.
Est-ce au mépris de la Religion,
Ou pour montrer dans vostre passion
Les Reformez dépoüillez sur le sable ? »
Et cependant la troupe abandonnée
Vid sa fortune à ce point terminée
Que de souffrir leurs manteaux enlever,
Sans avoir peu nullement les sauver,
Tant l'épouvente a leur ame estonnée.
Et c’est en vain qu’ils eslevent leur chants,
Que l’on s’efforce à prendre ces meschans ;
Rien ne se rend à leur voix favorable,
Et l’on trouva dedans cette action
(Non sans donner de l’admiration)
Les Reformez dépoüillez sur le sable.
De ces soldats la bande infortunée
Qui de misere est sans cesse enchainée,
Penseroit-elle ainsi s’en relever
Sans de leurs mains la vaillance esprouver « esprouvée ». ?
Non, leur deffaitte est au Ciel destinée.
Ils connoistront trop tost à leurs despens,
Qu’ils sçavent bien renger les insolens
Et chastier cette race damnable
Pour maintenir la reformation,
Et retirer de la derision
Les Reformez dépoüillez sur le sable.
Les beaux discours d’une langue animée
A tellement la caballe allarmée
Qu’ils ont juré de se mieux conserver,
Et leur honneur sans tasche préserver
En renvoyant ces drisles à l’armée.
Ils doibvent bien regretter le bon temps
Où l'on vivoit si libres et contens,
Sans recevoir un affront si notable ;
L’on n’y voyoit pique ny morion
Qui peust porter en tribulation
Les Reformez dépoüillez sur le sable.
Envoy
Illustre Prince, aux prix je ne pretens.
Si j’en desire, à ceux là je m’atens
De savourer de ton vin détectable
Puis, sur le ton des chansons de Sion,
J’entonneray par exultation
Les Reformez dépoüillez sur le sable.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La vingt-quatriesme (sic) partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres joviales qui ont esté presentées cette année o Palinots, 1650, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 194-196.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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