Les cœurs divers tout aintieux en substanche
David Ferrand
Éléments contextuels
1627
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal
Je fus ésair tout tard, à la candelle,
O Palinot où estait bien des fos,
Où y s’advint une grande querelle
Par un casseux qui sondayst l’escarchelle
D’un qu’escoutait paler de ses Gogots.
De là j’allis tout dret à Sainct Nigaise,
Comme m’avait prié compere Blaise,
Car y l’avet treis gros cochons tuez.
Checun y vint apportant sa pitanche,
Et lo no vit, quand je fume tablez,
Les cœurs divers tout aintieux en substanche.
Les uns estayst boüillis à la surelle,
D’autres haguais aveu de gros chibots.
Ly en avet un aveu de la canelle
Qui avet coutay pu à se n’ativelle,
Que ne ferait un des milleurs gigots.
No veyant tous en une mesme praize,
Je gazouillons comme gens à leu z’aize,
Les quinze vingts n’y estaist espargnez,
Car no poyit checun sen pot d’avanche,
Si qu’à la fin se trouvirent blefrez
Les cœurs divers tout aintieux en substanche.
Le tout riflé, un chevun s’amouchelle
Opres « Apres ». du feu, où estait deux fagots.
Là, l’un palit du camp de la Rochelle,
L’autre des faits de Soubize infidelle
Et de Rohan le chef des parpaillots « de ses parpaillots »..
Le gros Betran, qu’estaist dans une quaize,
Qui pour la feste avait mis une fraize,
Dit : « L’y en a bien qui sont prins par le nez.
Difficille est de vair dedans la Franche,
En un conseil (du reste je me tais),
Les cœurs divers tout aintieux en substanche.
— Ne palons pu de chela, dit Michelle ;
Qui sera prevost fera nouviaux imposts.
Betran, putost conte nous la nouvelle,
Que no disait su Jeanne la Puchelle
Tout tard esair dedans ses Palinots.
— Je ne serais ; j’estais trop à malaise :
No me pressait plat comme une punaise.
J’entendis bien que quinze quolibets
Louest sen cœur ; et nous, de mesme canche,
Chantons pour ceux dont je somes soupez
Les cœurs divers tout aintieux en substanche.
— Quay ! n’emplaist-’ty tretous leu gabatelle
Que de su cœur qu’est asteure en repos ?
— Non, je crais may qui l’avest leu chervelle
Pleine de l’iau qui en su lieu risselle,
Lieu où les viaux font souvent leu campos.
Vla che que vla, tant y a, quinze ou saize
Tretous chantaist su cœur sein dans le braize ;
Ly en avait tant que j’en estions tanez.
Mais cha du vin, cha que ma say j’estanche,
Laissant ces gens chanter en leu sonnets
Les cœurs divers tout aintieux en substanche.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Troisiesme partie de la Muse normande, Contenant les œuvres iovialles qui ont esté présentées cette année aux Palinots, 1627, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 69-71.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
Ce Cant ryal fait allusion au Chant royal de Guerente, docteur en médecine, qui obtint la palme au concours des Palinods en 1627.
Commentaire linguistique
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