Le grand Ballet de la Folie humaine
David Ferrand
Éléments contextuels
1650
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal « rial ».
Y ne faut pas que la melancolie
Broüille tousjours « tourjous ». le moulle des capiaux.
Apres aver palé des tomberiaux,
Et du grabus qu’a fait la maladie,
Je veux rimer queuques vers joviaux.
Un Grec à dit que la Muse d’un Poëte
Peut « Pour ». émouquer ainchin que la trompette
Nos sens bouchez d’un allieurquissement.
Je veux ichite en rehauchant ma veine
Debagouler pour votte ébatement,
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Songeant je veis Madame la Folie
Sortir bien brave aveuq de grands flambiaux.
En après vint plusieurs godeluriaux
La panne et soys fezet leu « leur ». braverie ;
Bref, leu z’abits estest seigneuriaux « signeuriaux »..
Men lourd esprit qui me sert d’interprette,
Me dit : « Ch’est là une troupe giblette
De ces piafeux « De piafeux ». qui maquent mauduement « maudument ».
Chen qu’o leu z’a gaigné aveuq grand peine.
Aintels grugeux quemenchent bien souvent
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Apres entrit de pleine equilbourdie,
Ainchin que fos, un tas de goberiaux,
Qui le petun « petum ». vomissest des naziaux,
Qui ne dansest à d’autre chifournie
Qu’au faux bourdon que rendet « rendest ». leu bouyaux.
Apres entrit un nombre de fillette,
De ces biautez qui ont fait fricon friquette.
En les veyant, ne paret nullement
Qui l’est desja dancé Tutontutaine « Tutontataine »..
Par un autre air dancirent gourdement
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Ces filles ayant fait leu querimonie,
Y l’entre apres un tas de japeriaux,
Qui tous les jours vont battant les carriaux
Pour accroquer queuque grand menterie,
Ou, coume o dit, queuque brides à viaux.
Quand y l’ont bien couru la bouguenette,
A su Pallais « Palais ». vont faire leu retrette,
Où ses craqueux mentent si proprement
Qu’o crait leu dire estre chose certaine.
Aintelles gens dancirent gayement
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Alors que fut tieulle troupe sortie,
Y l’entre après un tas de mangeriaux,
Qui sans peser vont glumant nos « no ». riaux,
No z’enterrant « z’entierrant ». dans leu chicanerie,
Tours et destours, termes, delays, appeaux.
Nombre de sacs, chequ’un leu z’eticquette,
Se brinbalest o devant leu braguette,
Où ses pledeux se donnent tieul tourment
Que leu dondons, lassez de ste chantaine « lasses de ste chataine ».,
Vont queuque fais dancer secrettement
Le grand Ballet « Balet ». de la Folie humaine.
Jeunes esprits coiffez de la Poësie,
Pour aver beu « eu ». queuque limpides yaux,
Ne troublez pu vo débiles cherviaux.
Je vo z’aqueux dans ste sierimonie « cirimonie ».,
Entrez o bal aveuq vos Cants Ryaux « vo Cants Royaux »..
Pauvres vieillards que souvent je regrette,
Qui vou servez d’une jeune mazette
Pour dans le Ciel aller pu « au ». vittement,
Ayant esgard à votte courte haleine,
Comme aux deffauts, je conclu « conclus ». hardiment
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Envay
J’avais oncor mainte chose secrette
A mettre ichy escrit su ma tablette ;
Mais je n’y veux luger men jugement.
Pis y ne faut « Pis je ne veux ». pas engendrer de haine,
Craignant dancer ainchin qu’eux bravement
Le grand Ballet de la Folie humaine.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
La vingtseptiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1650, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 233-235.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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