Les Corne font o Chavetiez la nique


Anonyme

Éléments contextuels

1650

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Adieu ligneul, tirepieds et broquette !

Je n’allon pu aver de refachon ;

Chez coretiers et fezeux de lunette

Et chez tanneux aveuque leu planquette,

Y sont tretous au bout de leu lichon.

Chez courrieux s’en boute ossite en peine,

Car y n’ont pu, au bout de la semaine,

Chen qu’un caqun baillet comme y soulet.

J’en pouvon bien quitter notte manique ;

Ch’ez un malhur, pis que par un ouyvet

Les Corne font o Chavetiez la nique.


Tu ne sçay pas, men compere Pingnette,

Queul oysel ch’ez qui fait tant le tignon.

Je le veyon tourjou en plache nette,

En rongnonnant sen pain dans sa pouquette,

Su sen queval ainchin fait qu’un cochon.

Sa marchandise a n'est que par douzaine ;

A nos despens, que le diantre l’antraine,

Que n’an eust y jamais plain san godet.

Je n’avon pu pour chela de pratique.

Las ! chen est faict, pis que, par su maufait,

Les Corne font o Chavetiez la nique.


Je l’alon vair pres notte grand sallette,

Où il estait, [tout] comme un guenichon,

Affin d’ouyr la palleure diserte « deserte ».

Où j’entendon su fesseux de bizette

Qui ne pallet rien qu’en fanfarion.

Pis y reprend sen sens et se n’allayne,

Disant : « Messieux, descaquez vote hayne ;

Je ne vo crains à nen pu qu’un criquet ;

Vo feriez mieux d’estre à vote boutique,

En retournant dire sans pu de plet :

Les Corne font o Chavetiez la nique. »


Depis su temps il a fait sa retraite,

Prais su marchay, o no vent su pesson,

O no le vait, avec se n’escoffette,

Coffer sen cuit, d’une senteur infecte,

Pour l’amollir, sur un ptiot de querbon.

Pis y le plaque, osi mos que futaine,

Su le tallon, d’une fachon villaine,

Sans s’enquester si rompt tout le rivet,

Aveuc des cloux, que seulement y fique.

Ch’est chen qui fait que no dit à bon dret :

Les Corne font o Chavetiez la nique.


Je m’en sis plains à me n’ante Thoinnette,

Pensant aver queuque bone raison ;

Mais ch’est bien pire, a m’a cantay goguette,

En me disant : « Tais tay, teste giblette,

T’amuse tu à su povre garchon ? »

May regoullay juqu’à fiebvre quartaine,

Je m’en reviens, en tournant la chantaine,

Tout marmiteux d’aver su quolibet,

Mais pu faschay que notte estat antique

Era tourjou pour merque su soufflet

Les Corne font o Chavetiez la nique.

Envay

Prinche, yeuxcusez si ste Normande veyne,

N’a point draglay de l’iau de ste fontayne,

Pour bien paller ainchin comme y fallet.

Ch’ez qu’o subject de queuque frenetique,

J’avon boutay, pour dire tout à net,

Les Corne font o Chavetiez la nique.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtseptiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1650, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 238-240.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique