Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire


Anonyme

Éléments contextuels

1650

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Hyer j’entr’ouys, opres de ste Renelle,

Deux Chavetiez de paller differents.

Sy un prosnet queuque fausse nouvelle,

L’autre diset : « Ne me rompts la chervelle ;

Tu craque pu qu’un arracheux de dents.

Je ne te crais à nen pu que tu pette.

Quay ! pense tu aveuque ta Gazette

M’embrenesquer tout les jours le musel ?

Palle tourjou, je ne m’en fais que rire,

Et ne dis pu jamais su vieux frestel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.


« Qui fait bon voir le cul dessus la selle

S’entrevesquer à palier de ces grands.

Amuse tay à broquer ta sumelle

Et à luquer dedans te n’esquerchelle

S’il y a de quay pour poyer tes marchands.

Et pis t’en va queu ste bone Perrette

Baire du bon pour arrouser friquette,

Pour y gober un ptiot de sen tourtel ;

Car su potin ne te faict rien que nuire,

Quand tu le dis qui te semble si bel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.


« Tu ne sçay pas que no faict sentinelle

Pour t’escouter et sçaver quand tu ments.

Ch’est don pourquay prends garde à ta vaisselle,

Car no pourret fonder queuque querelle,

Pour t’envyer piauller queu tes parents.

Y te ferest ta lichon si bien faicte

Pour remonstrer à ta teste giblette

Qui faut canger ten lourdaut naturel ;

Et pis ne vas tant t’amuser à luire,

Affin d’oster de ten niais de chervel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.


« Si tu as don queuque ptiot d’estincelle

D’entendement, gouste bien et comprens

Mieux qu’un luisart qui mot à mot eppelle,

Sans t’embrouiller d’une fachon aintelle,

Pou paller mieux de chen que tu aprends.

Car tu pourrez aver de la verguette,

Qui te rendret la teste pu malfaicte

Que n’eust jamais su Guillemin Poret.

Ne remets pu donque dans ta tirelire

Su biau rebus qui ne vaut un putel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.


« Sy je t’ay fait chte remontranche telle,

Yeuxcuse may, men compere Lorens ;

Ch’est pour ten bien, pour o mains que tu chelle

Chen que tu sçais, de pur que n’amouchelle

A l’entour tay toute sorte de gens.

Car tu sçais bien q’un cacun perroquette,

Pour te boutter dedans ces haguignette,

Pour les venir piauller à te n’ostel.

Vien aveu may baire affin de t’instruire,

Et ne redis, saux de su vin nouvel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.

Envay

Prinche du Puy, le souper no z’appelle ;

Tous chez Monsieux disent qu’il en est temps.

Allons chercher de votte Mousquadelle,

Pis que Bachus, chu bon fieux de Semelle,

M’en a priay comme je m’y attends.

J’en serez bien trompay par ma fiquette,

Car un caqun sçait que je sis poëtte,

Ayant grimpey dessu su haut coupel.

Par quoy ma Muse à sa Normande lire

M’a fait boutter dedans cet escritel :

Bien, ch’est tout un pour may, je l’ay ouy dire.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

La vingtseptiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de Plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand, 1650, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. III, 1892, Rouen, Espérance Cagniard, p. 240-243.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique