Mes dix coppins et leur mere coppine


David Ferrand

Éléments contextuels

1627

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

Qu’as-tu, Linot « Linor ». ? Dy may tost, queu frichon

Te fet ainchin delouzer de tristesse ?

Les colleteux ont y prins ten cochon,

O chy ses leux, à l’ombre d’un bisson,

Ont par ches camps estranglé te n’anesse ?

— Che n’est pas cha « pas cho ». qui me fait engagner

Ny mes queveux de mes grifs capigner.

Un autre ennuict qui me secque et chagrine,

Tant que la lune ichite bas luyra,

Plaindre et vipper à jamais me fera

Mes dix coppins et leur mere coppine.


« Un chiquanard qui portet la fachon

D’un scribe « scrible ». extraict de petite noblesse « noblsse ».,

Ayant jerqué « fiqué ». o quos un esquchon,

S’est eslanché « S’est estriqué ». tout dret dans « à ». ma maison

Pu « Plus ». affamé que n’est un quien en « de ». lesse.

Pis, de sen sein tirant chertain papier, « Pis ossi tost sacquant un long papier ».

Sen clerc commenche « Sen clerc chetz prins ». à inventorier

Men grand coq d’enge et sa femme « d’ange aveu ma grosse ». Gueline,

Dont pu le z’œufs « le z’eux ». men fieux ne humera ;

Mais dessu tout men cœur « queur ». regrettera

Mes dix coppins et leur mere coppine.


« Y l’escrivit « Y barbouillit ». dessu sen « leu ». grand broüillon

Men vieil « Un vieux ». drecheux canchelant de vieillesse,

Deux plats de terre, un baril de « à ». boüillon,

Et un calit couvert d’un pelichon

Pres qu’errené par le tabut des « Tou bredllé de tabuquer des ». fesses.

Et, pour me faire oncor « encor ». pu devreder,

Y l’enrollit « enrolit ». notte vieux pot de fer,

Et notte viau qui avet si bonne mine « Et notte viau douillet comme une étamine »..

Mais ma douleur n’estend point jisque-là « Qui justement o Roys trois mais éra ». ;

Car « Mais ». à jamais pleurer no « ô ». me verra

Mes dix coppins et leur mere coppine.


« Y mit oncor su « Iten y mit su ». sen briborion

Un grand vieux coffre yeuxcedant « yuxcedant ». en aisnesse « lainesse ».

La Boise o bons qu’o z’a mise en querbon « mise o trouble en querbon »..

Su coffre estait du temps que Faramon « Qui fut basty quand le Roy Faramon ».

Gagnit la Gaule aveuque sa proüesse « la Franche avec force et proüesse ».

Y l’estet fait « fet ». du bois d’un vieux noüyer « noyer ».

Qui vit jadis tout le monde nyer

Lors que Noüé écapit « escapit ». la ravine.

Ce niomains « O niant-mains ». men deüil s’en « se ». passera,

Mais dessu tout tousjours m’attristera « Mais sans cesser tousjours m’atristera ».

Mes dix coppins et leur mere coppine.


« Notte gran gatte où ch’est que je metton

Notte vieil oint, ou bien queuque autre gresse,

Y l’y fiquit, aveuq men cauderon,

La vieille table où ch’est que je disnon,

Et le vieux bas qui sert à me n’anesse.

Jisqu’à men gril et pinchette « pinchetta ». y boutta,

Bref, en un mot mit tout chen qui trouva ;

Mais leu regret n’enfle tant ma pétrine

Comme stichy qui toujours y sera ;

Car je sçay bien que no z’esgorgera

Mes dix coppins et leur mere coppine Variante pour la strophe entière : « Notte grand gatte à laver du cressonY lagriffit ossi de grand vitesse ;Pis notte cliche o zoreilles d’asnon,Un vieux gredy, un auge, un cauderon,Ou queuque fais je boüillais de la graisse. Mais tout chela ne me fait labiter.Tant seulement o me vait regrerterLes dix copins dont y la prins saisine.De desplaisir men povre cœur mourra,Car je sçay bien que no zesgorgeraMes dix Coppins et leur mere Coppine. ».

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Troisiesme partie de la Muse normande, Contenant les œuvres iovialles qui ont esté présentées cette année aux Palinots, 1627, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 71-73.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique