Le Rochelais qui jeusne sans merite


Anonyme

Éléments contextuels

1628

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

L’Autheur continuë sur leur folie, et par irronie se mocque de leur jeusne involontaire.

Cant rial

Forgeux de vers à la mode nouvelle,

N’invoque l’iau de la troupe jumelle,

Ny su Baqus « Bacus ». qui toque le chervel.

Adrechons nous à la vieille Cibelle ;

S’alla du pain, que j’en ais un morcel.

Par nottre doque, il y a bien six semaine

Que n’en entrit gobet à ma bedaine ;

Ma pauvre panche est pu platte qu’un aiz,

Me n’avalleure est ore si petite,

Que sans manger no n’entendret jamais

Le Rochelais qui jeusne sans merite.


Gras et refais comme la grand Noëlle,

Les milleus vins d’Espagne et Mouscadelle

Enluminest souvent notte muzel.

Le perdriau « perdiau »., le lapin, la sercelle

Su notte table estait à hau huvel.

Un fol antien no « nous ». mit à la fredaine

De rebuter et le Rey et la Reine,

Disant qu’un roc « qu’un Roy ». suffiset à z’echetz,

Et que nos fols tout otant qu’eux merite.

Je le creyes, mais je vion apres

Le Rochelais qui jeusne sans merite.


Le Rey le sait : « Hen hen, peuple rebelle !

Je vo feray sequer comme une attelle ;

Un gras matin est toujou trop cruel ;

Qui vit jamais venir un haridelle ?

Ayant jeusné, no n’a pas tant de fiel. »

Il fut ainchin ; se n’ermée il entraine,

No fait juner pu que la triolaine ;

Je no fachon de no estre engaignez.

En vain qui tot à craire no invite,

Car tout hequeux, je vayon estonnez

Le Rochelais qui jeusne sans merite.


J’ay trop de fay, mais l’ieuxcez d’un grand zelle

Comme cochons n’engresse le fidelle ;

Je la postpose à un ptiot de tourtel.

Je voudrion mourir su ste querelle,

Deust on baisser le moule du capel Vers parfois omis..

Viez l’horreur : je n’avon fache humaine,

Notte panche est vide « vuide ». comme une gaine ;

Chen qu’on y gaigne, est que, mourant fort nets,

Sus « Su ». nos tombiaux st’epitafe est escrite :

Cy gist qui meurt « Sy gist qui ment ». sans gaster ses garets,

Le Rochelais qui jeusne sans merite.


Ne cerchez « cherchez ». pu de fallots à candelle

Pour s’égaudir « s’egraudir ». en la feste en laquelle

Tous chez purins chantent : Adieu Noüel.

No corps sequez en feront de tres-belle ;

Chela sera pu rare et bien nouvel.

Venez ichy, surgiens, à la douzaine,

A tous nos maux vous n’erez pu de peine ;

Une candelle o long de nos costez

Vo monstrera votte lichon escritte « écritte »..

Pour vair chen la, venez et visitez

Le Rochelais qui jeusne sans merite.

Incertain Indication parfois manquante..

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Quatriesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1628, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 84-86.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique