Trois poux rampant dans un champ plein de lente


P. M.

Éléments contextuels

1628

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Chant rial

Hier à tatons passant par Saint Nigaise

Por m’en aller tou dret su su rampart

Faire qua qua, je vis Drien et Blaise,

Qui, pu camars que n’est une punaise,

Palez tout « tout tout ». bas des affaires d’Estat.

Drien diset : « Queu malu est cheloque !

J’eron toujours des poux et des freloque ;

Dans les greniers le sel est sans reson ;

Ch’est là le mal qui les povres tourmente

Et leur fera paindre en leur eguchon

Trois poux rampant dans un champ plein de lente. »


Que maudits sets les disciples de Beze,

Qui ont ozé faire tant de sabat !

Chets mutins là cause note malaize,

Car leu vayant tretou trop à leu aize,

Y l’ont ozé reuiller le grand cat.

Mais pensets t’y, por faire chique choque,

Toujou garder leu méchante bicoque

Contre le Roy et sen ryal canon ?

Nenny vrement, car leu ville insolente

Asteurchy vait dessu sen vieu haillon

Trois poux rampant dans un champ plein de lente.


Por maintenir leu fabuleuze chaize,

Y no ont fet rehaucher tout à flact

Ste graine ichy, dequay che deul Gervaise,

Qui ayme mieux le sallé que les fraize

Et les gambons qu’un petit pesson fat.

Pis les z’éfans, que les mere emmailloque,

Voudrets qui fisse o vent la pendeloque,

Car no leu fet manger su leu gueron

Du lect sans sel d’où leu vimal s’augmente,

Vayant par tou en ste povre sezon,

Trois poux rampant dans un champ plein de lente.


Chets taverniers remplis d’ymeur mauvaise,

Quand no avions du moz dedans un plat,

Du gras bouyel, de raves ou de fraises,

Ne no volets, por les fripper à l’aise,

Bailler « Baillet ». du sel sans poyer un patart.

Y no disets vere, par notte docque :

Allez vou z’en en tracher por deux broque,

O bien prenez un morcel de cochon.

Vla por le sel comme checun lamente,

La pu grand part ayant ja por blason,

Trois poux rampant dans un champ plein de lente.


Les povres gens d’opres Cans et Falaise

N’ont point supé depuis six mois de clac,

Et toutes fais, chen qu’un petiot appaise

Leu déplesir d’oublianche et meszaise,

Ch’est que le brit court qu’il amendera.

Note bon Roy de qui l’espée embroque

Tou chest Gogots comme des salicoque

Y porverra ; alors je salleron

Comme pourchiaux le pesson de la vente ;

Pis dessu nou jamais no ne verron,

Trois poux rampant dans un champ plein de lente.


Mais niaumains, Messieurs, ne vo desplaise,

Je n’ay pas fet st’anné’chy bien men cas,

De quay ie sis grandement à mallaisze

N’yant mangé des boudins à me n’aize,

Car o n’a mis guere de pourchels bas.

Mais l’Espagnol, qu’à tou coups no z’affroque,

A pu perdu, car j’ay ouy dire illoque

Qu’o l’y a prins se n’or à million,

Dequay l’Espagne est grandement dolente,

Craignant de vais por se n’ambition

Trois poux rampant dans un champ plein de lente.

P. M.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Quatriesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1628, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 91-93.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

L’expression « Trois poux rampant dans un champ plein de lente » décrit le blason des misérables. Il est ici question de la pauvreté engendrée par le conflit contre les Protestants et le siège de La Rochelle.

Commentaire linguistique