Chant rial. A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes


David Ferrand

Éléments contextuels

1628

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Chant rial

Comme j’estais o chambres de la ville

De su su quay plantez su le canel,

O tou chequ’un palet du brit civille,

Je vis bien plat un meneur de bastel,

Qui chets queveux grattet sou sen cappel.

Le gro Pierrot, le fieux de Galumelle,

Ly dit : « Crespin, et bien queulle nouvelle ?

No fet un pont dessu le grand flacquet ;

Y vo faudra pousser à la broüette,

Et su les quaiz chanter aveu regret :

A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes.


— Va, va, Pierrot, l’invention sutile

De cheux qui font su pont-lo de nouvel,

Ne no fera portant manquer de bille ;

O y sera mieux que le bastardel,

Qu’est imparfait comme une tour Babel.

Y n’est encor sezon qu’o z’en groumelle,

S’on le z’a vëus, o poing une truelle,

Fere un talu comme un triangle estret,

Oncor du pont la besongne n’est fette

Por dire ainchin, comme s’il estet fet :

A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes.


« Quand no verron su peuple qui formille,

Comme bibets aller en un troupel,

Su ses bastiaux aranglez file a file,

Lors no prendron la cherge d’un benel,

O bien j’yron chercher dans le renel.

Mais jisqu’à tant que su pont qu’o nivelle

Sest tou dreché, dedans notte chervelle

O n’en verra le chimere poutret.

Ne faut oncor donc sonner la retrette,

En gringotter dessu ten flageollet :

A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes.


« Il y en a, su ma fay, pu de mille

Dans su Roüen qu’en disent leu ratel,

Et qui de cha o quemun tant utile

Font maint d’estat que la boz d’un putel,

D’un os en chiffre o de queuque colpel.

Quar, disent y, (aga tien) mais qui gelle

Et que la glache à l’entour s’amouchelle,

No le verra aller o hariplet,

Aveu se z’ais, ses pilots et ses flette.

Ne dis pu donc, que tu ne le vais fet :

A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes.


« De vray, Pierrot, lors que je feron gille,

Ce ne sera putost qu’o renouvel,

Que je verron hommes, fames et fille,

Dehors su pont, aller en un mouchel

Terquer les matte aveu le cheminel.

Pis quand leu beste à biau pied et à selle

Passent le pont fait o nouviau modelle,

Je no feron rechever tout t’à fet

Par l’Admiral de z’offices secrette,

Por à jamais dire, tou d’un grand het,

A Dieu bastiaux, basteliers et barguettes. »

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Quatriesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1628, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 93-95.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Il est ici question de l’établissement de ponts sur la Seine, visant à remplacer le batardeau existant.

Commentaire linguistique