Vin à gogo, et coëffes à revendre


David Ferrand

Éléments contextuels

1629

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

III. Cant Ryal

Quement j’estais à su Pontaritaine

Qui est là bas oprez su Vieux Palez,

Je vis Lyson, Typhagne et Madalaine

En un troupel qui ensemble palez

Du vin nouvel, fezant de grands regrez.

L’une dizet : « Ma commere, m’amie,

Las ! je sis bien engagnée et marrie,

Car men mary ne fait rien qu’yvrongner ;

Pis revenu, quand je le veux reprendre,

Me machoquant y me fait écriquer

Vin à gogo, et coëffes à revendre. »


L’autre dizet : « Je sis bien pus en peine,

Car men saulart venant des cabarets

Me happe o crin et comme un cat me traine

De notte quambre aval tout no degrez,

Quand je le veux tancher de se z’ieuxchez.

Y l’a vendu, tant y l’aime la pie,

Sen bon abit, se z’outils, et sa sie ;

Py revenant tretté jiqu’o gozier,

Apres qui m’a bien longtemps fait attendre,

Me souffletant y me fit escrier

Vin à gogo, et coëffes à revendre.


— Hélas ! le mien est le vray capiteine

Des biberons, che dit la grand Agnez,

Car à tou cous tou saux no le rameine

Comme une « Commune ». bru, ou un pourchel sans pieds

Que no vayon trainer o broüettiez.

Y n’a si tost dormy heure et demie

Aveuque may, que gagnant la pepie

Les taverniez y va fere lever ;

Car, sans muzer dans le lict à comprendre,

Ainchin qui dait, y me fet declamer

Vin à gogo, et coëffes à revendre. »


Tifagne dit : « Y n’est une semaine

Que « Cans ». men mary, quittant ses vieux souliez

Por baire sec, ne set tout hors d’aleine,

O hariplet étriquant ses souliez,

La poix, les cloux, l’alesne, et les coffrez.

Tou ses carleux qui dedans Rouan crie

Jisques o sair ly tiennent compagnie ;

Pis revenu ch’est un dret Luchifer ;

Lo ly vait table, aumaire, et coffre fendre,

Et renyant y se met à chanter

Vin à gogo, et coëffes à revendre. »


O fos Baqus, enfant emple bedaine,

Que st’anné chy de behitre tu fez !

Tu romps le cours de notte vie humaine,

Lorsque tu vas toquant les cabassez

A coups fourrez de tasse et gobelez.

Par tay no vait l’amitié dezunie,

Par tay la fame à se n’astre endormie

Se vait souvent en grumelant coiffer

Et renverser à plat cu su la chendre.

Ainchin rend tu par trop no z’escauffer

Vin à gogo, et coëffes à revendre.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Cinquiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1629, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 116-118.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique