La guerre o vin et la paix à la biere
David Ferrand
Éléments contextuels
1629
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
La quantité des vins qui fut cette année fit mettre la main à la plume à l’Autheur,
et en descrit la quantité par un dialogue fait entre deux compagnons de la draperie.
IIII Indication parfois manquante.. Cant Rial
— Astheure « Atheure ». ichy que la guerre est faillie,
Queu brit court’il en Franche de nouvel ?
— Aga ! Lorans, chez « chetz ». vendeux d’iau boüillie
Ont par ma fey à present le muzel
Chent fais pu blanc que n’est pas un drappel.
— Mais à prepos, Colas, ma ptite broque,
Por n’estre yeuxifs conte may chenneloque.
Dy may pourquay no vait les broüettiers « brouetties ».
Et les pigneux de diverse maniere
Faire à Roüen « Rouan ». en tous lieux et quartiers,
La guerre o vin et la paix à la biere.
— Bien, men Lorens, por chela ne me prie,
Assietz tay la prez de men queminel.
Sçays tu que ch’est ? ch’est que st’an chy la plie
A fet enfler pu que de gros Goüel
Su rezin nair qui tocque le cheruel.
Chy qui n’y a si michante bicoque
De cabaret, qui n’ait du vin en broque,
Et ch’estz pourquay les gens de tou metiers,
Lessant le sidre et gaullay arriere,
Font tou les iours « jous »., arrouzant leu goziers,
La guerre o vin et la paix à la biere.
Checun en veut baire jisqu’à la lye
Du vin marqué à quatre à l’escritel,
Et ces Messieurs de la chavaterie
Y sont souuent jisque dans le renel
Pour en trinquer aveu du gras « en tater aveu leu gras ». pourchel.
Mais rien por chla ; aga ! par notte doque,
La grosse Janne y a porté sa toque,
Bine sen cors, Alison ses souliers « souliets ».,
Luce ses cauche, Olive sa sauniere « sanniere ».,
Chequ’un voulant fere à banquets planiers
La guerre o vin et la paix à la biere.
Mais ch’est le pis en notte draperie « drapperie ».
De ses pigneux tretous en un troupel,
Qui ayant fet tout leu biau saux la vie
Ne s’en revont jamais à leu z’otel
Sans se merquer de queuque chifrenel.
L’un queuquefais n’est rien que de freloque,
L’autre o renel pesque des salicoque,
Sans remuer la téte ny les pieds,
Chy qui le faut porter su la bediere
Por aver fait queu les cabaretiers
La guerre o vin et la paix à la biere.
Depis deux jours à la pessonnerie
Du Vieux Marché, pres les murs Sainct « S. ». Michel,
Trais revendresse étans de compagnie
Bure en mangeant seulement un tourtel
Neuf pots de vin du milieu du tounel « tonnel »..
Mais se levant pu z’étourdis que cloque,
Toute les trais si bien y s’entrechoque
Qu’o les vit quair le cu dans leu « les ». paniers
Tou fin plains d’œufs, que ses grosses « grosse ». vessiere
Mire « Mirent ». en fritel, por fere en Templiers
La guerre o vin et la paix « vin et paix ». à la biere.
— Vremy, Colas, me n’ame est esbahye
D’aver oüy desrengler ten fratel.
Py qu’ainchin est, adieu, donc l’iau de vie,
La biere double qui sent se n’ydromel « le hydromel ». ;
Je veux du vin baire comme Carrel.
Mais je ne veux « veuz ». que su rouget m’acroque,
Car s’une fais j’en avais dans la tocque
Pu que Talbot no m’orret volontiers,
Pres le heron su men pié de driere,
Rossignoller, comme oysiaux de mouniers « monniers ».,
La guerre o vin et la paix à la biere « La paix o vin et la guerre à la biere »..
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Cinquiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1629, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 118-120.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
–
Commentaire linguistique
–