L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle


David Ferrand

Éléments contextuels

1629

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

V. Cant Ryal

En revenant de Flandre depis guere,

Je rapassis par su pays d’Artois

O ses magus faits à la double biere

Se fournissets de bechon et d’artois

Craignant de vair notte grand Mars françois.

L’un n’ecuret sa vieille harlebarde ;

L’un sen bretueil, chets brascharts, sa salade ;

Mais tou chela s’en va quanté le vent,

Car, mogré z’eux et leu longue allumelle,

Nou verron tout avant qui set un n’en,

L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle.


Les Cocqs gaulois d’une griffe guerriere

Font o Lyons delaisser le tournois,

Et ch’etz pourquay chets more mercenere

Creignent de vair sous le souleil des Rois

No guerrieux endoscher le hernois.

Cherles le quint fezant tant la pennade

N’a james eu rien que par estrappade ;

Su grand Franches le diffiet souven.

Mais coume un lieuvre y fendet la venelle,

Pu de trouver dedans l’escrimemen

L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle.


Vla bien de quay ! Y faut que l’insulaire

Rende à Cesar le sien sieuvant les droits.

Hay ! si j’avets les terres de ten pere,

Voudres tu point sans prendre le long bois

Me les remettre à la rezon des loix ?

Porquay don veut en une sausse fade

Su grand austruche aveucque sa pelade

Ainchin que fer manger le lys chrestien ?

Y l’a failli ; note Rey san puchelle

Ly fera vair dan le Tournesien

L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle.


S’t egle griffu qui vole d’ordinere

Et qui a volé le pays Navarrois

Rendra un jour san lez tétamentere

A su Louys qui nou sert de pavois

Naple, Sicille et tou le Milanois.

Ouy, su milan plain de rodemoutade

Perdra sen vol su le sceptre des barde

Qui de l’Europe est le sceptre anchien.

Ossi le Ciel, devant qui j’en appelle,

Leu « Len ». monstrera, coume je le cray bien,

L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle.


Chu grand Hanry, qui toujou d’ordinere

Che rencontret le prumier o z’explois,

Ne leu z’a t’il creusé des chymetiere

Dedan la Franche en chent et chent endroits,

Quand y pensetz le tenir o z’abbois ?

O chy le pere aveu glore et bravade

A foudrié chets fougeux Enchelade,

Sen fils z’aisné, qui n’a oublié rien

De la valeur d’une ame toute belle,

Fera bien vais bravant l’Iberien

L’hercul’ qui met tout le monde en chervelle.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Cinquiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1629, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 120-123.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Lors de la rédaction de ce poème, la France était en guerre contre l’Espagne, à propos de la succession du duché de Mantoue. Les habitants de l’Artois, qui appartenait à l’Espagne, se préparaient donc à une attaque française.

Commentaire linguistique