Stanches


David Ferrand

Éléments contextuels

1629

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Stanches

Et bien ! mes bonnes gens, que voulez vous récrire ?

Combien l’i a t’y là bas de grotesques falots,

Qui apres les bons vers, chi che n’étet pour rire,

Opres de leu tizons ferest leu Palinots ?


Laissons chela à part, et youvrés vo z’oreilles

Enregistrant mes mots dessouz votte capel,

Car je vo veux ichy desrengler les merveilles

Que depis trais semaine a fait le vin nouvel.


E quay ! la Seine estet si tieulement couverte

De vin, de vignerons, de courtiers et marchans,

Qui n’etet point besoin de bastiau ny barguette

A cheux qui desirest descamper par ses quamps.


Aga ! mes bons allets par trouppes et caballes

L’avaller à trois sous o fond de ses bastiaux.

Y semblet à vair cha que s’estet des tribales,

Car y l’alest querir par canes et par siaux.


Mesme ches chabrenaux allest aveu leu pouques

Le lundy o matin là crier : Vieux souliez.

Pis, quand y l’en partest, vo z’eussiez dit de chouques

Se tenant su la teste otant que su les piés.


Pres su bord du talu ly avet des revendresse

Qui ont aveu leu soret fait bien du vin soufler ;

O si entres-maquest, car y l’avest l’adresse

De le faire rostir tout prest de l’avaler.


Mais qui fezet oncor pu z’esgueuller de rire,

Qu’etet su Mardy gras nair coume un cremillon,

Qui fezet o soleil otant qu’en sen feu cuire

Sen rost qui debitet su le cul d’un poinson.


Tout chequ’un l’allet vair, mesme ses filleresses

Allest tou leu roüets et leu querdes quittant,

Et voulest tout ainchin que leu maistre et maistresses

Gouster de ce bon ius qu’o z’allet debitant.


Ses brasseux sans travail, quittant leu iau boüillie,

Menirent su su quay camions et chevaux

Pour y trainer du vin, mais che leu fut folie,

Car no les racachit jisque dans leu fourniaux.


Ossi l’y a tant de vin (Dieu mercy), par me n’ame,

Que par tout no ne vait que Cians bon vin cleret ;

Mais d’ocuns qui ont vendu le corset à leu femme

Garde que la trouye n’emporte le fosset.


Mesme un gros chavetier qu’o z’apelle Touroufle,

Pour estre tavernier de vin et sidre doux,

A vendu ses coffrets, sa fourme, sa pantoufle,

Ses selles, sen trepied, sen trenchet et ses cloux.


Mais o bout de huict jours, o dessu de sa femme,

Y s’enuyvrit si bien de su jus de rezins

Que tout yure o chelier fut trouvé par sa femme

Qui l’estimant tout mort cria tous ses voisins.


L’un le prend souz les bras, l’autre o degré le hauche

Afin de le jerquer su sen lit promptement ;

Mais le des-abillant no trouvit dans ses cauche

Qu’il avoit fait trafic ou d’ocre, ou de saffren.


O ne ressemblon pas o maistre d’œuvre nives.

Si Baqus no delivre en st’en ichy du vin,

No z’en peut baire à l’aize aveuq l’equalle vive

Sans ainchin que stilla s’en chaindre le beguin.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Cinquiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1629, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 133-136.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique