Stanches


David Ferrand

Éléments contextuels

1629

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Stanches

A me n’ante, me n’ante Perrine Pantoufle demeurant entre Ducler et la Fontaine, l’Asnerie.

Me n’ante, y l’i a treis mais que le fieux de Barette

Por vo z’escrire un mot m’éluge le chervel.

Luisez donc men ratel et prenez vo lunette :

Ch’est che qu’a su Rouan l’en dit de pu nouvel.


Le jour de S. Romain que je n’avais que faire,

J’afflublis men cappel et prins men bon juppon,

Et men pied à men cols m’en vois dret à la faire

Dans ste plache qu’o dit le grand Cam du Pardon.


Je vis là tant de gens que l’ame m’en canchelle

Quand j’y resonge oncor, tant j’en eus le cretin,

Et, comme su soudard qu’allet à la Rochelle,

Je cudis revenir d’la metié du chemin.


Enfin, pu asseuré qu’un qui tremble les fieuvres,

J’ouïs des tabourins qui fezaist doub dou dou,

O un checun couret tout ainchin que des lieuvres,

Tant qui me print dezir d’esquerpiner etou.


Pis, quand j’eus veu tirer de grands coups de seringue,

Je grimpis o Gibet, évitant les cailloux,

Car bien mille garchons estriquants de z’elingues

S’entrecassets les bauffre, et fezets de grands trous.


Craignant chets prunes là, je devalis la plaine

Ou je vis grand marché de poulains et chevaux,

Parche que st’anné’chy chacun dit que l’avaine

Se verra hors rezon pu que les vins nouviaux.


A propos de poulains, j’en vis un à l’attaque

Qui fut en patagons vendu quatorre francs ;

Mais y fit pu de mal mille fais qu’une vacque

Qu’un bourdon digue o cul et court emmy les camps.


Che poulain fut vendu à un homme de Reugle ;

Mais parche qui n’estet pas pu grand qu’un gorret,

Chu paisant le lye, ainchin comme un aveugle,

De pur qui n’escapit, avec sen quien barbet.


No les vayait trotter ainchin que levriere,

Mais le quien à la fin le poullain tiraillant,

Levant les grifs en haut no les veid se deffaire

Et giguer dans le Camp pu fort qu’un cherf volant.


Su poulain desradant, men pitaut de vilage

Devint chent fais pu blanc que n’est du sieu fondu,

Car o lieu de penser le vair dans se n’erbage,

Y crayait se n’argent et sen poulain perdu.


Su meschant animal fezant des cabriolles

S’allit entrevesquer emprez d’un paticher

Et fit tou ses pastez, ses flancs, ses dariolles

Voler o hariplet et dans l’iau tribucher.


En aprez su malur, y trouvit Jacqueline,

Ste là qui fait des pots en un four pres d’Oissel ;

Mais y cassit ses pots, ses cannes, ses terrines,

Et tout se n’atirail pu menu que du sel.


En fin men paysant se furelufe et s’engaigne,

Vayant que sen poulain fezet ainchain du fos,

Et, pour mieux aprez ly derrader la campaigne,

Y print à ses deux mains promptement ses chabots.


Quand y l’eust rettrapé, y le tint par la longue

Sans le laisser aller où il eust bien voulu,

Mais y perdit sen quien qu’un berquier de Valongne

Ly avet autre fais vendu six carolus.


De la je m’en allis, quittant ste belle faire,

Vair Saine qui pliet dessous le vin nouvel,

Et aveu su Taiault je me mis tant à baire

Que je cudis trais fais tumber dans le canel.


Quand je fus revenu pu yure qu’une souppe,

Tou dret su men calit je m’en vois m’estriquer

Deconnessant men mestre et tou ceux de sa trouppe ;

Mais y viait qu’aux bastiaux j’avez un ptiot trinqué.


No m’a dit qu’o z’avets st’an chy bien du fritage

Et que vo le laissez sous vos fesses blesquir.

Par le fieux Colas enviez may du resquage :

S’ra pour passer le temps quand je ne peux dormir.

Fin.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Cinquiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purinique, ou gros Normand. Recueillis de divers Autheurs, 1629, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 136-139.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique