La queuz d’un vez en guise de moustache


David Ferrand

Éléments contextuels

1630

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

su les moustaches

Queu siecle est chy ! n’est-che pas grand folie.

De vair marcher tant de banqueroutiers,

Qui en habits de veloux d’Italie

Prodiguement gabillent les deniers

De bons marchands qui sont leurs creantiers ?

Quelle pitié oncore pu nouvelle

De vais o jour chets peuguets sans chervelle,

Qui, se disans petits godelureaux,

Bien que leurs pere estet gardeux de vache,

Monstrent partout aveu leu grand houxiaux

La queuz d’un vez en guise de moustache.


A su temps chy, la Nobleche aguerrie

Ne treluit pu parmy chets galfretiers.

L’en vait porter o valets d’ecurie,

O quiquerons, bruments et chauetiers,

Des peux pu long que ne sont leu trepiers.

Allez, Messieux, diguer vote sumelle ;

Refiquez vou le cul dessu la selle ;

Ch’ets bien à vou à fere des aysiaux.

Quay ! vo z’ayeux avets y un pannache,

Que vo portez « porrez ». ainchy que damoysiaux

La queuz d’un vez en guise de moustache.


Quand no vo vait d’une mine bouffie

Comme des pans marcher par no cartiers,

Les pu huppez en l’art d’astrologie

Vo jugerest por queuques grands guerriers ;

Mais o combat « coubat ». vo z’allets des derniers.

Vo n’adorez que le fieux de Sumelle ;

Sen gobelet est seul vote allumelle,

Vo gabions, l’abry des gros thouniaux ;

Et toutes fais vo z’osez, ô bravache,

Porter par tou coume heritiers nouviaux

La queuz d’un vez en guise de moustache.


Trinqueux de biere, avalleux d’iau de vie,

Allez vo z’en o haut de vo greniers !

Les lentes ont vo moustace assaillie.

Tesmoignez-vou coume vo devanchiers

Et les tuez à bandes et miliers.

Quay ! y ne faut qu’une fievre cruelle

Por vo boutter des freres de l’escuelle

Et vo loger o palais des maraux ;

Et vo volez, ainchin que des gavache,

No fere vais, vetus comme pourchiaux,

La queuz d’un vez en guise de moustache.


O coupez donc su poil de frenezie

Et le laissez porter o quevaliers,

Car, en despit de la rubennerie,

Y vo pourra tou les jous ouvriers

Très bien servir à fere des gartiers.

Os astheur chy que note horison gelle,

Allez porter vote moustache belle

A ses fezeux de calottes nouviaux

Qui vont couvrant des refondus la tache,

Et n’ayez pu comme bastards de Caux

La queuz d’un vez en guise de moustache.


Chy me n’avis n’est chelon vote envie,

Allez vo z’en pres de chets cuisiniers

Su su grand Pont o du cailly l’en crie

Vers su Mousieur qui de nos rateliers

Oste les dents mieux que tou no barbiers.

Car ly donant vo longs peux d’un bon zelle,

A ces guenons qui checun amonchelle,

Il l’en fera titre de ptits mantiaux

Por leu couvrir leu mireux qui no cache.

Lors vo n’erez coume des regardeaux

La queuz d’un vez en guise de moustache.

Fin.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Sixiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purnique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, 1630, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 144-146.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique