D’un cul estret la fachon des grands manche


David Ferrand

Éléments contextuels

1630

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Cant ryal

su la mode qui trotte

Biaux cousturiers, qui par évretinage

No gobitant de z’abits courts et longs,

No z’abillets tantot en Jean Potage

En Freluquins, Gringalets, Pantalons

Ainchin qui plaist à vo z’opinions ;

Avou trouvé en feuilletant le code

Que ch’etz le tams, la sezon et la mode

Que no vayon les fame o chavetiers

Monstrer par tou, coume dames de Franche,

Che promenant en tou lieux et quartiers,

D’un cul estret la fachon des grands manche.


Le tams jadis n’est pu ore en usage,

Lors que checun avet de grands jupons

Aveuc des cauche à fond et triple estage,

O no pouvet ficquer quatre gambons,

Trois grandes miche et deux larges flagons.

Astheur chy un checun s’acoumode

Coume fezet Jacques Hyr et Jean Gode

Qui se drugeant su le bout des souliers,

Petite brets, hau dos et grosse panche

Monstret dansant à tout se z’escoliers

D’un cul estret la fachon des grands manche.


Quay ! y n’y a servante de vilage,

Vendresse d’œufs, d’allumette et d’ognon,

Qui à moder ne semble fere rage

Portant les crins dessu un vieux doüillon

Et les grand manche en brague de Vallon.

Les matelots qui su nos quais aborde,

Terquant de bray leu navire et leu corde,

Portent des brets mendres de trois cartiers.

N’est che pas donc une grand dolianche

De vair courir en no ciecles derniers

D’un cul estret la fachon des grands manche.


Les godronnez aveu leu badinage

Ont r’amené ste nouvelle fachon,

Par quay les femme à la tete volage

Ont desiré dessu leu biau patron

Fere des manche à la confusion.

Mais, dont j’endesue, on vait de vieux herode

Qui en vont portant bien qui le z’incommode,

Et ne seretz renoüer leu souliers

Sans vent de nord ou leu blescher les hanches.

Ch’etz donc en vain qu’ont fet les couturiers

D’un cul estret la fachon des grands manche.


Ché z’eventez s’yeuxstimant estre sage

Portent ossi, coume des rodemons,

De courz mantiaux faitz à la premiere âge,

De qui mes bons tisserans et foulons

Vont grumelant par fais dans leu maizons.

Quand je les vais ainchin, je me recorde

De Gringalets qui danse su la corde,

De Harlequins ou de Menestriers,

Dont je me deulx, n’ayant pu d’esperanche

De vair changer à chetz fringuenaliers

D’un cul estret la fachon des grands manche.


Ore checun vit en libertinage ;

Coume escreviche on va à reculons.

Tieulle souvent qui dine de potage

Fet establir dessu ses cotillons

Neuf o dix rans de rubans et galons.

Pis, quand le gain à l’etat ne s’accorde,

Que les records et les debte no morde,

Faut aller vair messigneurs les chinchers,

Et, vendant tout, s’ermer de patienche,

Por aver prins, mogré no criantiers,

D’un cul estret la fachon des grands manche.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Sixiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purnique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, 1630, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 147-149.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique