Sur le mesme sujet


Anonyme

Éléments contextuels

1630

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Sur le mesme suiet

Par un autre Autheur

Stances

Un sair embeguiné je monte à ma cambrette

M’etriquer tout fin plat su men povre qualit,

Quand dessu le matin j’oüys une cloquette,

Et des gens qui criest : « Drapiers, saillez du lict ! »


Je m’esveille, et, pour vair chen que che pouvet estre,

De men nid, comme un gay, je saute haut en bas.

Je courus à clignons avaller ma fenestre,

Car ma candelle alors estet mangé’ des rats.


Je jette embreluqué ma teste emmy la ruë,

Ou je vis ces drapiers qui criest en douleur :

Allon à su Palais qu’est pu que « qu’est pu qus ». la Cohuë,

Car dessu le mestier il y a du malheur.


Quand j’eu ouy ches prepos, j’eu l’ame saumellée,

Prens mes brez à men cul, men pourpoint sur men dos ;

Ma femme j’enfermis qui en estet affolée,

Et m’en vins o Palais aveuque tout su gros.


Il estet bien matin, et tous ses gens d’office,

Effritez de no vair tretous à leu quartiers,

S’escriquest, en disant : « O vo fera jutice ;

Bonnes gens, retournez tretous à vo mestiers. »


Vn checun grumelest niomains ste parolle,

Quand en grinchant les dents un d’eux, le plus hupay,

Dist : « Ne no abusons, mordemeguoy, j’affole ;

Allons fere un grabuge o jourdy su su quay. »


Je sieuvon don stila qui tout dret no z’ameine

Aval ste ruë Grand Pont Esvillez comme rats,

Et frelufez estant vis à vis ste Romaine,

Je metton tout en feu deux grands ballots de draps.


Y l’i avet emmy l’iau un vessel d’Angleterre

Qu’estest tout plein de draps, où nos gens tou joyeux

S’estest desja campez, qui no vayant à terre

Y devredest d’engain que n’estions aveuqu’eux.


Venez, venez, garchons ! j’avon trouvé la niche,

Disets-t’y, en fesant signe aveuqu’un capiau ;

Mais si quelqu’un en prend brin qui ne le depiche,

Je reniguoy y l’ira baire au fin fond de l’iau.


Ayant ouy chennela, checun plain de colaire

Se jette a corps perdu dans ses petits battiaux,

Et la y n’estoit pas un vray fils de sa mere

Qui n’esseyt d’en faire otant que les gruriaux.


Estant la bien deux chents, y quittent leu barguettes,

Pis y happent les draps qui mirent par lambiaux,

Et les dechiquetant firent pu de loquettes

Que seu les papetiers n’y a de vieux drapiaux.


La y ne s’enquest est d’acquits de la Romaine,

Des visites, des draits, ny mains des mouquetons ;

Y chergest, deschergest, pis la barguette pleine

La donnest à la miaux à ceux dehors su pont.


No vayet la mouver toute ses lavandieres,

Com’ o vait en esté un eschain de bibets ;

Et vere y n’estet pas jisques o navetieres

Qui n’y vindrent afin d’en aver des gobets.


Tous les petits moins de su quay et des halles,

Ainchin que des barbets, se jettest dedans l’iau,

Et priant de nos gens qui despichest ses balles

Y leu cheignest le corps à checun d’un lambiau.


Les nourriches y trouvest langests et bandelettes,

Pour pourpoints les tailleurs prenest des eslerons,

Les gueux pour leurs mantiaux trouvest des pieches faites

Et les vieille y prenest des bords à caperons.


La Ville vint en corps pour rompre su desordre ;

Mais quay ! il en fesest estat coume du fiens,

Car y se frelufez encontre eux et sans odre,

N’en demordant d’y là à nen pu que des quiens.


La Chinquantaine y vint et tou les mousquetaires « moustaires ».,

Qui aveu leu bastons estriquest plusieurs cous ;

Et mey, ne me voulant mesler à ce z’affaires,

De pur d’estre battu je m’en revins queu nous.

Fin.

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Sixiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purnique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, 1630, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 157-160.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Ce poème se rapporte à des événements survenus le 16 juillet 1630. Il eut alors une émeute des drapiers de Rouen et de Darnétal, contre les navires anglais venant débarquer des draps à bas coût. Si les drapiers détruisirent les draps contenus par l’un de ces bateaux, ils ne touchèrent cependant pas aux autres marchandises.

Commentaire linguistique