Historia de quatuor guardia
David Ferrand
Éléments contextuels
1630
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Historia de quatuor guardia
Pignessafaris, qui in Festino Bacchalis goziliaverunt
Stances
Me n’ante Alix, je vo écrits ches mots
Ramastiquez aveu grande tristesse,
Por le sabat, le brit et le prepos
Qu’ensemble ont eu les gardes pigneresses.
Ces masques là, nommez Jeanne du Pont,
Bine, Denise et Alizon Garguille,
Helas ! m’ont fait le pus insigne affront
Qu’o seret fere à une povre fille.
Lors que je fus revenu du serment,
Je leu pretis ma maison et ma table
Que je couvris assez honnestement
De gras pourchel et de vin agriable.
Ayant hanté la gatte du matin,
Je leu drechis une grande fricassée
Tout de matine et de pieds de trotin,
Comme l’en fit à la neuche à Macée.
J’avais oncor une teste de viau
Cuitte o naviaux, portant trais daiz de gresse,
Et quatre pots de tresbon vin nouviau
Pour resjouyr mes gardes pigneresse.
J’estions chinq femme et men cousin Colas
Planté debout o mitan de notte aire,
L’ayant prié durant notte repas
De leu venir un ptiot verser à baire.
Estant tablez, y commenche à beffler
Et tieullement leur margane desserre
Que no z’eut dit, en les veyant maquer,
Que ch’eut esté des dogues d’Angleterre.
Y l’avallest leu morciaux ossi gros
Que des esteufs ou des balles de leine,
Et je crey bien que quatre Gosminots
N’eussent point mis tant qu’eux en leu bedaine.
Outre chela qui mangest comme loups,
Sans relascher no vayet ses grand herque
Haucher le bras et baire comme trous
De caux recuitte ou bien d’argille secque.
Y le draglest tout ainchin que de l’iau
Que no prendrest dans le fond d’une seille,
Et, en mangeant ma grand teste de viau,
Y l’en fust beu quinze ou seize bouteille.
Je disez bien qui s’embeguinerest
Fesant ainsi à men bon vin la presse,
Et qu’à la fin ils s’entre appellerest
Double putain, vilaine et larronnesse.
Checune « Checuun ». estet de contraire party ;
Binet diset qu’elle estet tres habile,
Et Janne dit qu’elle en avet menty
Et que ch’estet Huguette, sa grand fille.
Des desmentis no vint o coups de poing,
Et, se battant coume hardots en guerre,
Les caperons y l’envierent o loin
Aveu les pots, les tables et les verres.
Pis s’enpoingnant, tout ainchin que des gueux
Font quelque fais por un brin de gallette,
Denise prit Alixon o queveux
Et la trainnet ainchin qu’une leurette.
Su tabut « cabut ». fut si fougueux et si grand
Et se tirest d’une telle maniere
Que la grand Janne may l’aire tombant
Montret à tous sen cadren de derriere.
Dans su tabut qui fut bien estourdy,
Ce fut Colas qui pleuret de tristesse,
Quand y vit Jeanne en « et ». sen cul rebondy
Et que checun tappet dessu ses fesses.
L’une avet l’œil au beurre nair poché,
L’autre des grifs merquez su sen visage,
L’une le poil de la teste arraché
Et l’autre estet de fureur tout à nage.
A la parfin, pu z’amis que cochons,
En étriquant leu differen o piautre,
Y mire « mirent ». à sec le reste des flagons
Buvant de het toute les z’une à z’autre.
Or leu marys, que je ne veux nommer,
Oyant le brit de ste grande tempeste,
Vindrent les qrir, ne pouvant cheminer
Dessu les pieds nen pu que su la teste.
No les plastrit checune entre deux dras,
Car l’y l’etest pu saules que des grives,
Qui glo, glo, glo, et par haut et par bas,
Fire à la fin dessus eux la lessive.
O vla, Thomas, que j’eus à men festin
Estant jurée ichite pigneresse ;
Et, comme ayant un ptiot trop prins de vin,
No les menit comme quatre yvrongnesse.
Fin.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Sixiesme partie de la Muse normande ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux, en langue Purnique, ou gros Normand. Recueillis de divers autheurs, 1630, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. I, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 160-164.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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