Stanches
David Ferrand
Éléments contextuels
1631
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Stanches
Derrainement Margot, Alison et Olive,
Et Denise o grands dants estetz en un trouppiau
Dans un pray o tou quatre y lavetz la lessive,
Jisqu’à la rais du cu, comme oysons, dedans l’iau.
Quand leu tache fut faite, incontinent Denise,
Hauchant le dos de fret, dit : « Par m’enda, Margot,
Je sens comme un glachon se rider ma quemise ;
Allon men vistement allumer un fagot. »
Alizon, hors de l’iau sortant la fin premiere,
Fesant « Feset ». claquer ses dants pu fort que des claquets,
Allumit un grand feu pour sequer sen derriere,
Et sen vieux garde-cul « gard-cul ». o les glachons pendets « pendents »..
Olive qui gelet, sentant un vent de bise
Qui gregiset sa chair, prez du feu s’aprechit
Et se cauffit si prez qu’a bruslit sa quemise,
Dont à rire et gosser checune s’ecriquit.
O ainchin qui l’estets tretous à leu goguette
Et s’amusets à rire et à leur cu sequer,
Y vint un gros matin sieuvy d’une levrette
Qui firent chair leu pot et hapirent leu cher.
Pis, le maistre du pray qui l’appelets Ribeille,
Les voyant caqueter tretous en un troupiau,
Avec sen gardinier vidit tou les bouteille,
Faisant ruby su l’ongle, et pis y mit de l’iau.
Y vindrent por disner, et pour baire à plain verre,
Mais, advisant le pot haut en bas renversé,
Denise trisbuchit un sy grand saut par terre,
Qu’o diset qu’a l’avet tou le « len ». musel cassé.
Elle s’esvanouyt de fascherie yeuxtréme,
Redissant les garets, les jambes et le cos,
Ayant à la parfin le visage pu blesme
Que n’est sieu de candelle ou du formage mos.
No couppit sen lachet por raver se n’allaine ;
L’autre su sen musel un sciau d’iau respandit ;
Bref, auprez de Denise y prindrent tant de peine
Qui la firent tretous de morte en vy venir.
La maistresse du pray, qui se nommet Jacquette,
Leur dit : « Vla bien de quay faire tant de regrets.
N’avez vous point chinq sous checune à la poucquette,
Por faire ichy la toüaille et baire en perroquets ?
— Ch’est bien dit, fit Margot, criez voste servante ;
A l’ira au Ponchel faire venir du roht,
Et Alizon courra su Gervaise se n’ante
Emply ste cane ichy qui ne tient que six pots. »
Y che tablirent tous, et, comme des leurettes
Qui ont longtemps caché sans rien happer au bois,
Y l’escurets les plats et fesets tasses nettes,
Trinquant comme hardots, et bauffrant comme Anglois.
Y r’envoyent « envayent ». o roht et à canne à la caue
Remuant les babines ainchin comme des loups ;
Mais la povre Margot la caboche se gave,
Contre quatre morciauts buvant cinq ou six coups.
Y la sieuvent de prez sans demeurer yeusives ;
Mais, comme il en avets là dans le cabacet,
Denise et Alizon pu saulles que des grives,
Crevant de trop manger, rompirent leur lachet.
Y s’en donne sy bien à ceste gaude feste
Que leu grand cruche allit o vin six ou sept fais.
Ossi, marchand des pieds ainchin que de la teste,
Y tumbets su le cu pu dru que des roquets.
Y vlets por le desert se conter des goguette,
Mais le maistre du pray envaye querir leu maris.
No les couchit tou quatre o font de la brouette
Qui devet quarrier le linge à leu logis.
O comme on les traisnet à la ru Martainville,
Checun y apportet des candelle et flambiaux,
Et l’y avet pu [de] gens, de femmes et de fille,
Qu’o n’en vit l’autre jour o convay de Tayault.
Venus en leu maison et mise en leur debiere,
Y veulent rien aver dessus leu queur,
Mais faisant glo, glo, glo, et devant et derriere,
Tout fut enbaufumé du musc de leu z’odeur.
Fin.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Septiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1631, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 14-17.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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