Testament de Tayault
David Ferrand
Éléments contextuels
1631
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Testament de Tayault « Tayaut ». maistre gueu à Rouen « maistre gueu à Rouen » est parfois manquant.
Stanches
Hier o sair me couchant, j’eguchez ma chervelle
Su chen que no z’avet luit à ses Palinots,
Et me faschez d’engain qu’o baillet ses nouvelle
A luyr à de z’enfans qui ne connesse « connessent ». un O.
Pis je disez ossi « ossy ». : « C’est un malur yeuxtréme « extrème ».
Que ces gens là qui font ce z’ouvrages plaisans
Ne viennent point ichy les prononcher eux mesmes ;
Ont t’y honte à donner des robe « robes ». à leu z’enfans ? »
Je m’endors niomains dans ste pensée sombre ;
Mais y survint un brit qui m’esveille en sursaut,
Et aux pieds de men lict j’ay advisé un ombre
Qui m’a dit : « N’aye pur : je sis l’ombre à Tayault.
« Je me viens plaindre à tay que de ma mort estrange
No n’a o Palinots rien fait ocunement « aucunement ». ;
Et je te viens prier pour derniere loüange,
Que tu y fache vair o mains « maint ». men testament. »
Acreventé de pur, je prins me n’escritoire,
Usant de charité o deffuncts enterrez,
Et là de mot à mot je reduis en memoire
Le laiz du testament qu’à present vous z’orrez « vous orrez ». :
« No sçait que j’ay donné à ce bon Dieu me n’ame,
Qu’à S. Michel men corps « coprs ». est honorablement,
Et qu’à ma mere ossi « ossy ». qui souvent me reclame,
Je ly fis delaisser trois tiers de me n’argent.
« Et, d’otant que je sçay qu’on a cassé les cloques
De S. Michel sonnant pour me n’enterrement,
Je delaisse o tresor six liars avec deux broques
Afin qu’à les refondre y l’aist soulagement.
« O cagoux de Rouen je delaisse neuf double « doube ».,
Estant à leu z’endret de pieté touché,
Car plusieurs « pluzieurs ». me menest dedans la biere double
Lors que je leu disets : « Je n’ay point rien truché. »
« Dans un trou de grenier j’ay là mes bonnes hardes
Qui pourrissent et sont comme en perdition ;
Pour office dernier y faut que je regardes
De les donner à ceux de ma condition.
« O tou premierement je veux que no afuste
Mes brez, qu’o cabaret j’ay souvent parfumez,
A un povre trucheur qu’o nomme Mistanfluste,
Car me fesant dancer y le z’a « les a ». bien gaignez.
« Je veux qu’o cordenniers qui sont sou ses hallettes,
Qui m’appellest houlier, calleux et vieux pendart,
Y leu set delivré mes deux vieilles « vielles ». pouquettes,
Qui m’emplest bien souvent et de pain et de lard.
« Dedans est l’A. B. C. que no dait introduire,
Et que je veux laisser indubitablement
Au crieur d’almanachs qui ne sçeut hier rien luire,
Afin que pu sçavant y set dedans un an.
« Estienne, proculeux de la Misericorde,
Qui ayde o prisonniers qui ont necessité,
Men bon pourpoint de cuir je luy done et accorde « y accorde ».,
Car m’ayant fait du bien y l’a bien merité.
« Je veux ossi lesser ma meilleure quemise
A l’oüyvette qu’o dit Marie des Fossez,
Afin que su sa teste en couvrechef soit mise ;
Chacun la reconnet por « pour ». un diable en procez.
« Pour men capel rongné qu’en un coin no z’etrique,
Dont mes amys ossi ne font point trop grand cas,
Je veux que por « pour ». calotte on le baille à la Crique,
Pis que la sienne ésair servit d’un nid à rats.
« Quand por « pour ». mes bons souliers faits à double semelle
Que i’eus avant ma mort et ne sont qu’éportez,
Je les laisse o carleux qui mouque ses candelle
Dedans les « le ». Palinots ; y les z’a meritez.
« O vela tou les points que J’avez à te dire. »
Lors l’ombre disparust de may sans s’arrester,
Et, m’ayant enchergé en ce lieu chy les luire,
Je n’ay voulu faillir, Prinche, à m’en acquitter.
Fin.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Septiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facecieux en langue Purinique, ou gros Normand. Contenant les œuvres jovialles qui ont esté presentées cette année aux Palinots, 1631, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 21-24.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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