Le batardel reduit en cabotiere
David Ferrand
Éléments contextuels
1633
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
Cant ryal
Ch’est un grand point, men bon, que je m’afroque
De desrangler dans su noble troupel
De chez Monsieux qui sont venus iloque
Enharchelais tretous en un mouchel,
Pour ouir de may che qu’o dit de nouvel.
Cheux qui ont raudé sous la ligne ecliptique,
Qui ont veu l’orniere où le soleil se fique « sique ».
Sont des lugans, s’il n’ont encor estay
Dehors su pont, rasibu la riviere,
Pour y lorgner avec curiositay
Le batardel reduit en cabotiere.
J’ay souvenanche encor, par notre doque,
De st’autr’ila qui estet chent fais pu bel,
Qui est asteurchi racrampi dans sa coque,
Farchi de bos tout jisques « isques ». au musel,
Gardant à cligne au fin fond de canel.
Aussi l’a-t-on fiquée à la cronique
St’invention plaisante et drolifique ;
Mais pour stichy qui estet bien commenchay,
Affin qu’on n’oze y bouter de l’enchere,
On dit qu’il est desia bien avanchay
Le batardel reduit en cabotiere.
Ch’est un malur quand, pensant faire une oque,
On fait un treu aussi grand qu’un boissel.
Les quespentiais n’ont pas perdu au troque,
Quand, pensant faire un autre batardel,
En congnottant il ont fait un batel.
Besez, marchands, jiguez, race aquatique,
Crir du querbon sur la mer britannique,
Voguez à mont crir du vin de Limay,
Et du froumen, veichy bien vote affaire,
Car asteurchy j’avon sus note quay
Le batardel reduit en cabotiere.
Aga ! Cardin, men fieux, ma petite broque,
Je veux bientost relenquir me n’hostel
Pour m’envoler en Biauce où ch’est qu’on croque
Du blay chent fais pu gaune que l’orpel,
Affin qu’aux Roys j’en fache du gatel.
Pis qu’il sera cher, ainchi qu’o pronostique « prononostique ».,
J’ajetteray tout, sans en lesser étrique,
Pour vendre ichy à la quemunautay ;
Et pis apres j’iron may et men frere
Remercier où ch’est qu’on l’a boutay
Le batardel reduit en cabotiere.
Autan « A autan ». cacun me diset : « Tu te moque,
J’eron un pont, tu n’as que du fratel,
Tesmoin st’angin de bois que l’on estoque
De longs chantiais gros comme men capel
Pour appuyer un si pesant fardel. »
May qui autrefais a bien sceu la logique,
Je les montrais par raison politique
Que leur esprit estet mal enclavay,
Et qu’on gastret en fin tout le mystere,
Sans vais jamais parfait ou auquevay « aquenay ».
Le batardel reduit en cabotiere.
Envay au prinche
Prinche benin, ch’est vous qui no convoque
A desgainer queuque plaisant ratel ;
Mais asteurchy ch’est moy qui vo provoque
A m’envoyer devant à vote hostel,
Pour y baufrer queuque frians morchel.
Vla trop pâlé sans aver la colique ;
Il faut dragler, la say me rend étique.
May quand j’eray catoüillé un patay,
En le creusant tout ainchi qu’une biere,
Devant men nais sera representay
Le batardel reduit en cabotiere.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Huitiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presenté aux Palinots, 1631, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 27-30.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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