Le houragan des Ristres d’Allemagne


David Ferrand

Éléments contextuels

1633

xviie siècle

Rouen

Non localisé

Édition du texte

Les Drapiers se souslevent derechef, à cause que quelques Drapiers Tailleurs se servoyent de marchandises d’Angleterre, et furent à la Cour mil ou douze cens, et le Parlement fut contraint d’envoyer querir la Cinquantaine et les Harquebusiers pour les faire retirer. L’Autheur les nomme Reistres d’Allemagne, à cause qu’ils sont en un lieu montueux. 1632.

Cant ryal


Cant Ryal fait en gros matois

Par un Docteur de Sainct Nigaise,

Qui a esté bien à se n’aise

Du grabuge fait aux Anglois Ces quatre vers sont parfois manquants..


En un matin j’estais dans ma sallette,

Je rataquez des cloux « loux ». à mes souliers,

Quand j’entroüys bien des gens sans trompette ;

Y l’estest bien queuque chinq chens drapiers « drappiers ».

Qui piaullest : Raux, Raux ! à nos quartiers.

J’ouvre me n’vys de plaine équilbourdie

Tout effrié de vair ste compagnie

S’entrevesquer comme moucque à mouchel.

Lors j’afroquis un appellé Melaigne

Qui dit : « Vesin, no va vair de nouvel

Le houragan des Ristres d’Allemagne.


« Quay ! disest-t’y, faut-t’y que no permette

A ses Gogots ruyner le z’ouvriez !

Y vende ichy l’ouvrage toute fette ;

Car y n’est pas jisques o « jusques ò ». chavetiers

Qui n’est trouvé bouts neufs o vieux souliers.

Y l’envayront, en menant tieulle vie,

O brelinquet toute la Drapperie.

Tou ses peuguets preferent leu « leur ». cresel

A notte drap, et vaire o sien d’Espagne.

N’est-che pas là pour faire à leu musel

Le houragan des Ristres d’Allemagne ? »


Vers su Palais, y courent la guenette,

Où y priest Presidents, Conseillers,

Disant : « Messieurs, songez à la disette.

Si vo rendez le z’Anglois « les Anglois ». familiers,

No verra bien oncor des bons-croutiers.

Dans su malur si no n’y remerdie,

Adieu les draps qu’o fait en Normandie.

Les povres gens iront en un troupel

Se plaindre à vous par paix ou par engagne.

Ne permettez donc en un cas aintel

Le houragan des Ristres d’Allemagne « Allemaigne ».. »


Chen ne là ouy donnit de l’épouvente ;

Dans leu burel y l’entrent volentiers.

Un huissier vint avecq une baguette

Qui dit : « Allez tretous à vo mestiers,

O les mutins je mettray prisonniers. »

Chen ne là dit, une jandermerie

Vint se jetter su notte fripperie.

May qui n’aves « n’avest ». rien que men devantel

Aveuq « Aveu ». mes gens la guerite je gagne « gaigne ».,

Pour ne point vair o danger d’un cordel

Le houragan des Ristres d’Allemagne « Allemaigne »..


Les pu hupez prés « pris ». S. Lo font retrette

Où y disest : « J’avon tort les prumiers.

Su President qui a ouy notte requeste

Est juste et drect ; ch’est ly « chest-ty ». qui ses blatiers

Derrainement fit mettre cantonniers.

No le connet porté pour la patrie ;

En le lorgnant no vait qu’il a envie

Por « Pour ». notte bien de faire un escritel.

Retournons tous, le bon Dieu l’accompagne « Prions pour ly et ceux qui l’accompaigne ». !

Et denichons hors de notte chervel

Le houragan des « les ». Ristres d’Allemagne « Allemaigne »..


Envay.

Prinche, excusez ma rime mal polie.

Je n’ay point fait ossi ste poësie

Pour emporter la valeur d’un mantel.

Votte vertu qui petits et grands gagne

M’a fait chanter dessu su parapel

Le houragan des Ristres d’Allemagne. « Allemaigne ».

Commentaire sur l’édition

Édition faite sur l’édition Héron.

Source ou édition princeps

Huitiesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presenté aux Palinots, 1631, Rouen, David Ferrand.

David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.

Édition critique

A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 30-33.

Études

Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.

Commentaire historique et contextuel

Commentaire linguistique