Les cotte à vigne eschangez en gaquiere
David Ferrand
Éléments contextuels
1634
xviie siècle
Rouen
Non localisé
Édition du texte
L’Autheur descrit la complainte de tous les bons biberons de la ville, et celle aussi
des pauvres vignerons qui veulent degrader les vignes, à cause qu’ils ne se remboursent
pas des frais qu’ils font pour le grand nombre des imposts qu’il faut qu’ils payent
pour leur vin.
Cant rial
Et quay « quai ». ! Bacu, men tretou, men falot,
Qui aux cabarets prodits tant de merveille,
Quiteron nou ten plezant gobelot,
Lesseron nou le jus de tes bouteille
Qui s’avallet ainchin que du chirot ?
Faut-il, hélas ! quitter su doux bruvage
Pou le z’inpots, les dace et les piage,
Et qu’en che tems « tans ». les povres vignerons,
Tou chiquetez coume des gueux d’hostiere,
Aillent criant par tou che z’environs
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere !
Pere Carrel, venerable Fagot,
O est le tems « tans ». que sous la verte treille,
Caqun avet chinq demions, o un pot
De su bon « gros ». vin qu’estet à une oreille,
Por trais liards, un Charle, o un grelot ?
Astheure chy, dessu note vieux aage,
Y no faut bien paler d’autre langage ;
No z’a bien tost bauffré quatre testons,
Car retumbant de misere en misere
Aveu regrets et lermes no vayons
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere.
Prez de Vernon j’oüis crier Guillot :
« Adieu penniers, hotte, serpe, corbeille ;
J’allon briser no vignes d’un triquot
Ossi menu que no fet de l’ozeille,
Py que l’impost en a le milleur lot.
Je sçais pendu, diset y plain de rage,
Chi je vais « vois ». pu retaillant sen branquage.
Non non, questeux, courtiers et moucherons,
Vo pouvez bien gratter votte driere,
Et dire oncor, plaignant les vignerons,
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere.
— O creve-cœur « Creve queur ». ! disait le gros Flipot,
Le Pont de l’Arche a fet st’an chi merveille
En arrestant « arretant ». nos vins tout en un flot,
De quay « quai ». Mellan, Mante, et Triel che deuille « dueille ».,
N’ont pas « N’ayant ». vaillant astheur chi un chabot.
N’estes che ossi assez, ditte, gens sage,
Que de poyer sexante sous d’usage,
Por mui de vin sans le cousts des poinsons ?
Ouy : ch’est pourquay « pourquai ». toute les pessonniere
Pleurant d’engain crient prez leu tizons
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere. »
Las ! que fera d’oresnavant Talbot,
Su mort à rats, su calfeultreux de seille,
Su fesse-pain siflant du « de ». larigot,
Qui tou checun de sen flageol resveille
Quand il a beu quatre daiz de piot ?
Las ! que fera la Roze à sen vieux aage
Qui tout ainchin qu’un joüeux de village « vilage ».
O cabarets cherche les bons garchons ?
Y deschendront rede morts dans la biere,
Vayant ainchin pour biaucoup de rezons
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere.
Sus Alisis, Cardin, Benests, Thienot !
Que desormais checun de vous s’eveille !
Quittez l’alesne, et, coume en un tripot,
De biere double et tabat fet de fueille,
Tenez estappe ainchin coume Chiquot.
Les vignerons n’ayant pu le courage
De s’en venir encroquer o cordage,
Y faudra bien dessaler no poulmons « poumons ».
De boüillon sur, de godelle o d’iau clere,
Et regretter pu frets que des glachons
Les cotte à vigne eschangez en gaquiere.
Commentaire sur l’édition
Édition faite sur l’édition Héron.
Source ou édition princeps
Neuviesme partie de la Muse normande, ou Recueil de plusieurs ouvrages Facetieux en langue Purinique, ou gros Normand, presenté aux Palinots, 1634, Rouen, David Ferrand.
David Ferrand, Inventaire general de la Muse normande, divisée en XXVIII. parties. Où sont descrites plusieurs batailles, assauts, prises de villes, guerres estrangeres, victoires de la France, histoires comiques, esmotions populaires, grabuges, & choses remarquables arrivées à Roüen depuis quarante années, 1655, Rouen, David Ferrand.
Édition critique
A. Héron, La Muse normande de David Ferrand, publiée d’après les Livrets originaux, 1625-1653 et l’Inventaire général de 1655, t. II, 1891, Rouen, Espérance Cagniard, p. 44-46.
Études
Catherine Bougy, La Langue de David Ferrand : poète dialectal rouennais du xviième siècle, auteur de La Muse normande, 1992, thèse soutenue à l’Université de Caen sous la direction de René Lepelley.
Commentaire historique et contextuel
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Commentaire linguistique
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